Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 4.djvu/238

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
237
quatrième époque.

Février 1795.

Quelquefois, je ne sais quelle timidité,
Comme le sentiment de notre nudité,
Devant elle me trouble et vient saisir mon âme ;
Et je n’ose parler, en pensant qu’elle est femme.
Mais elle ne sent pas, dans sa chaste candeur,
Cette honte des sens qui me remonte au cœur ;
Son sentiment naïf, dans cette âme si pure,
A bien changé de nom, mais non pas de nature ;
C’est toujours de l’enfant l’ardente affection
N’ayant qu’une pensée et qu’une passion,
Et ne soupçonnant pas, dans sa douce ignorance,
Que l’amour devant Dieu ne soit pas l’innocence.
Au contraire, depuis nos doux aveux, souvent
Elle est plus caressante et plus libre qu’avant ;
Avec moins d’abandon la vierge se confie
Au frère qui puisa du même sein la vie ;
Elle ne comprend pas pourquoi, depuis ce jour,
Je suis plus réservé pour avoir plus d’amour,
Et pourquoi, tout tremblant, de la main je repousse
De sa lèvre à mon front l’impression trop douce.
Moi pourtant je ne puis, comme avant, prolonger
Ces regards où le cœur au cœur va se plonger,
Ni ses bras à mon cou, ni sa tête charmante
Sur mes genoux pliés, comme autrefois dormante ;
Ni ses cheveux jetés par le vent sur ma peau,
La faisant frissonner comme le vent fait l’eau ;