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introduction.

Staël, et par conséquent poëte mélancolique et chrétien, il nous avait habitués jusqu’à ce jour à l’élégie, qui était son plus vaste poëme. Il avait recueilli dans son âme, pour nous les rendre au centuple, les mélodies du vallon et de la montagne, les chants du deuil et de la joie, les bruits du lac et de la mer, les reflets de l’Italie et de la Grèce. Rien n’avait échappé à ce hardi butineur dans les tranquilles murmures des campagnes, dans toute l’agitation des villes, dans les turbulentes émotions des peuples. Chemin faisant, il avait ramassé dans leur gloire les deux héros de ce siècle, lord Byron et Bonaparte ; il n’avait pas même oublié, dans ce résumé poétique de toutes les pensées contemporaines, de toutes les croyances, de toutes les douleurs, la Grèce moderne et la Grèce antique. Il avait commenté la mort de Socrate à la façon d’un disciple de Platon ; il avait achevé, à la façon d’un sceptique, la vie interrompue de Child-Harold, cette mélodie brisée que M. de Lamartine seul pouvait accomplir.

En un mot, cet homme, si jeune encore, avait déjà fait deux parts de sa vie ; et Dieu sait si ces deux parts étaient bien remplies ! Ici les Méditations poétiques, c’est-à-dire le doux rêve de la vingtième année, le premier cantique de l’amour, l’adorable vagabondage autour du manoir paternel, le jeune homme qui pleure et qui chante l’espérance en sa fleur, le regard bleu fixé sur le ciel bleu. Plus loin, les Harmonies poétiques, c’est-à-dire le souvenir et déjà le regret. Cette fois le poëte est entré sérieusement dans la vie, le jeune homme est devenu tout à fait un homme, la contemplation s’est faite sérieuse et active ; l’action a remplacé le rêve. L’idéal s’est enfui tout là-bas, bien loin, épouvanté qu’il était par les agitations du monde, et pour ne plus revenir qu’à de rares intervalles. Aussi cette fois l’élégie est-elle plus affaissée sur elle-même ; il y a déjà