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introduction.

dans ces vers moins de soleil, moins de verdure, moins de sources limpides, moins de buissons en fleurs, moins de rossignols qui chantent dans les bois. Dans ces plaintes d’un autre ordre, l’horizon est plus rétréci, la montagne est plus haute ; un nuage s’est glissé dans ce beau ciel. Bien plus, le poëte est absent du vallon natal, les larmes de ses yeux sont devenues amères, la ride est venue à son front, la pâleur à sa joue. Tout s’est enfui, toute la famille, tout le rêve, tout l’idéal, tous les amours de son premier printemps :

Montagnes que voilait le brouillard de l’automne,
Vallons que tapissait le givre du matin,
Saules dont l’émondeur effeuillait la couronne,
Vieilles tours que le soir dorait dans le lointain,
Murs noircis par les ans, coteaux, sentier rapide,
Fontaine où les pasteurs, accroupis tour à tour,
Attendaient goutte à goutte une eau rare et limpide,
Et, leur urne à la main, s’entretenaient du jour ;
Chaumière où du foyer étincelait la flamme,
Toit que le pèlerin aimait à voir fumer,
Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ?…
Là vivent dispersés comme l’épi sur l’aire,
Loin du champ paternel, les enfants et la mère ;
Et ce foyer chéri ressemble aux nids déserts
D’où l’hirondelle a fui pendant de longs hivers.

C’est ainsi, comme il le dit lui-même, que ces beaux rêves se sont enfuis comme un nid de colombes. Mais, pour n’être plus la même, l’inspiration n’abandonne pas notre poëte ; sur les ruines du berceau de ses rêves, il retrouve toujours ce qui l’a fait un poëte, l’amour, la passion, la croyance, la douleur. Le souvenir a pour lui sinon autant de charmes, du moins autant de pouvoir que l’espérance. Il