Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/164

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

boue, voilà l’édifice. Au fond de la cour cependant, un mur propre et neuf, construit de blocs de travertin ; une porte et une fenêtre en ogive, d’architecture moresque, et dont les ogives étaient formées de pierres admirablement sculptées, attiraient mon œil : c’était l’église de Balbek, la cathédrale de cette ville, où d’autres dieux eurent de splendides asiles ; c’est la chapelle où le peu de chrétiens arabes qui vivent sur ces débris de tant de cultes viennent adorer, sous une forme plus pure, cette même Divinité dont la pensée a travaillé les hommes de tous les siècles, et leur a fait remuer tant de pierres et tant d’idées.

Nous déposâmes nos manteaux sous ce toit hospitalier ; nous attachâmes nos chevaux au piquet, sur la vaste pelouse qui s’étend entre la maison du prêtre et les ruines ; nous allumâmes un feu de broussailles pour sécher nos habits mouillés par la pluie du jour ; et nous soupâmes dans la petite cour de l’évêque, sur une table formée de quelques pierres des temples, pendant que, dans la chapelle voisine, les litanies de la prière du soir retentissaient en un chant plaintif, et que la voix grave et sonore de l’évêque murmurait les pieuses oraisons à son troupeau : ce troupeau se composait de quelques bergers arabes et de quelques femmes. Quand ces paysans du désert sortirent de l’église et s’arrêtèrent autour de nous pour nous contempler, nous ne vîmes que des visages amis, des regards bienveillants ; nous n’entendîmes que des paroles obligeantes et affectueuses, ces touchants saluts, ces vœux prolongés et naïfs des peuples primitifs, qui n’ont pas fait encore une vaine formule du salut de l’homme à l’homme, mais qui ont concentré dans un petit nombre de paroles applicables aux diverses rencontres