Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/166

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idées sont en effet les deux plus hautes vérités de toute religion. Le mahométisme peut entrer, sans effort et sans peine, dans un système de liberté religieuse et civile, et former un des éléments d’une grande agglomération sociale en Asie ; il est moral, patient, résigné, charitable et tolérant de sa nature. Toutes ces qualités le rendent propre à une fusion nécessaire dans les pays qu’il occupe, et où il faut l’éclairer et non l’exterminer ; il a l’habitude de vivre en paix et en harmonie avec les cultes chrétiens, qu’il a laissés subsister et agir librement au sein même de ses villes les plus saintes, comme Damas et Jérusalem ; l’empire lui importe peu : pourvu qu’il ait la prière, la justice et la paix, cela lui suffit. On peut, dans la civilisation européenne, tout humaine, toute politique, tout ambitieuse, lui laisser aisément sa place à la mosquée, et sa place à l’ombre ou au soleil.

Alexandre a conquis l’Asie avec trente mille soldats grecs et macédoniens ; — Ibrahim a renversé l’empire turc avec trente ou quarante mille enfants égyptiens, sachant seulement charger une arme et marcher au pas. Un aventurier européen, avec cinq ou six mille soldats d’Europe, peut aisément renverser Ibrahim, et conquérir l’Asie, de Smyrne à Bassora et du Caire à Bagdhad, en marchant pas à pas ; en prenant les Maronites du Liban pour pivots de ses opérations ; en organisant derrière lui à mesure qu’il avancerait, et en faisant des chrétiens de l’Orient son moyen d’action, d’administration et de recrutement. Les Arabes du désert même seront à lui, le jour où il les pourra solder : ceux-là n’ont d’autre culte que l’argent, leur divinité sera toujours le sabre et l’or : avec ce vice, on peut les tenir assez de temps pour que leur soumission devienne ensuite