Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/210

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faut quarante jours pour traverser. Enfin nous nous remîmes en marche ; le parapet de rocher qui nous cachait la plaine et la ville s’abaissait insensiblement, et nous laissa bientôt jouir en plein de tout l’horizon ; nous n’étions plus qu’à cinq cents pas des murs des faubourgs. Ces murs, entourés de charmants kiosques et de maisons de campagne des formes et des architectures les plus orientales, brillent comme une enceinte d’or autour de Damas ; les tours carrées qui les flanquent et en surmontent la ligne sont incrustées d’arabesques percées d’ogives à colonnettes minces comme des roseaux accouplés, et brodées de créneaux en turbans ; les murailles sont revêtues de pierres ou de marbres jaunes et noirs, alternés avec une élégante symétrie ; les cimes des cyprès et des autres grands arbres qui s’élèvent des jardins et de l’intérieur de la ville s’élancent au-dessus des murailles et des tours, et les couronnent d’une sombre verdure ; les innombrables coupoles des mosquées et des palais d’une ville de quatre cent mille âmes répercutaient les rayons du soleil couchant, et les eaux bleues et brillantes des sept fleuves étincelaient et disparaissaient tour à tour à travers les rues et les jardins ; l’horizon, derrière la ville, était sans bornes comme la mer ; il se confondait avec les bords pourpres de ce ciel de feu, qu’enflammait encore la réverbération des sables du grand désert ; sur la droite, les larges et hautes croupes de l’Anti-Liban fuyaient, comme d’immenses vagues d’ombre, les unes derrière les autres, tantôt s’avançant comme des promontoires dans la plaine, tantôt s’ouvrant comme des golfes profonds, où la plaine s’engouffrait avec ses forêts et ses grands villages, dont quelques-uns comptent jusqu’à trente mille habitants ; des branches de fleuve et deux grands lacs éclataient là, dans l’obscurité de