Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/270

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et savonneux, où les chevaux pouvaient à peine se tenir : du sommet, on a une vue sans bornes de tout le littoral occidental de la Syrie jusqu’au golfe d’Alexandrette et au mont Taurus, et un peu sur la droite, des plaines d’Alep et des collines d’Antioche, avec le cours de l’Oronte. Trois heures de marche nous mènent aux portes de Tripoli ; nous y étions attendus ; et à une lieue de la ville nous rencontrâmes une cavalcade de jeunes négociants francs de différentes nations, et de quelques officiers de l’armée d’Ibrahim, qui venaient au-devant de nous.

Le fils de M. Lombart, négociant français établi à Tripoli, nous offrit l’hospitalité au nom de son père ; — nous craignîmes de lui être à charge, et nous allâmes au couvent des frères franciscains ; un seul religieux habitait cette immense demeure, et nous y reçut. Deux jours passés à Tripoli ; dîné chez M. Lombart ; — bonheur de rencontrer une famille française où tout compatriote retrouve une réception de famille ; — le soir, passé une heure chez MM. Katchiflisse, négociants grecs et consuls de Russie, famille établie de temps immémorial à Tripoli de Syrie, où elle possède un magnifique palais. Madame et mesdemoiselles Katchiflisse sont les trois personnes les plus célèbres de Syrie pour leur beauté et pour le charme des manières, mélange piquant de la réserve asiatique avec le gracieux abandon des femmes grecques, et la politesse accomplie des femmes les plus élégantes de l’Europe : elles nous reçurent dans un vaste salon voûté, éclairé par une coupole, et rafraîchi par un bassin d’eau courante ; elles étaient assises sur un divan semi-circulaire qui régnait au fond de la salle ; tout était couvert de riches tapis, et les tapis couverts eux-mêmes