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cerfs, étaient étalés par piles dans les vastes salles, et les outres séculaires des vins d’or du Liban, apportées de la cave par ses serviteurs, coulaient pour nous et pour notre escorte. Après avoir passé quelques jours à étudier ces belles mœurs homériques, poétiques comme les lieux mêmes où nous les retrouvions, le scheik me donna son fils aîné et un certain nombre de cavaliers arabes pour me conduire aux cèdres de Salomon ; arbres fameux qui consacrent encore la plus haute cime du Liban, et que l’on vient vénérer depuis des siècles comme les derniers témoins de la gloire de Salomon. Je ne les décrirai point ici.

Au retour de cette journée mémorable pour un voyageur, nous nous égarâmes dans les sinuosités de rochers et dans les nombreuses et hautes vallées dont ce groupe du Liban est déchiré de toutes parts, et nous nous trouvâmes tout à coup sur le bord à pic d’une immense muraille de rochers de quelques mille pieds de profondeur, que cerne la vallée des Saints. Les parois de ce rempart de granit étaient tellement perpendiculaires, que les chevreuils mêmes de la montagne n’auraient pu y trouver un sentier, et que nos Arabes étaient obligés de se coucher le ventre contre terre, et de se pencher sur l’abîme, pour découvrir le fond de la vallée. Le soleil baissait, nous avions marché bien des heures ; il nous en aurait fallu plusieurs encore pour retrouver notre sentier perdu, et regagner Éden. Nous descendîmes de cheval, et, nous confiant à un de nos guides, qui connaissait, non loin de là, un escalier de roc vif, taillé jadis par les moines maronites, habitants immémoriaux de cette vallée, nous suivîmes quelque temps les bords de la corniche, et nous descendîmes enfin, par ces marches glis-