Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/358

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sous l’élan révolutionnaire du centre : pendant que des lambeaux d’armées, improvisées par un patriotisme sans guide et sans frein, auraient été se faire dévorer sur nos frontières de l’est, le Midi, jusqu’à Lyon, aurait arboré le drapeau blanc ; l’Ouest, jusqu’à la Loire, eût reconstitué les guérillas vendéennes ; les populations manufacturières de Lyon, Rouen, Paris, exaspérées par la misère où la cessation de travail les aurait plongées, auraient fait explosion au centre, et débordé en masses indisciplinées sur Paris et les frontières, se choisissant des chefs d’un jour, et leur imposant leurs caprices pour plans de campagne. La propriété, le commerce, l’industrie, le crédit, tout eût péri à la fois ; il eût fallu de la violence pour des emprunts et des impôts. L’or caché, le crédit mort, le désespoir eût poussé à la résistance, et la résistance à la spoliation, au meurtre et aux supplices populaires ; une fois entré dans la voie du sang, il n’y avait plus d’issue que l’anarchie, la dictature ou le démembrement. Mais tout cela aurait été compliqué encore des mouvements inattendus et spontanés de quelques parties de l’Europe : Espagne, Italie, Pologne, lisières du Rhin, Belgique, tout eût pris feu ensemble ou tour à tour ; l’Europe tout entière eût été entraînée dans une fluctuation d’insurrections, de compressions, qui auraient changé à chaque instant la face des choses. Nous entrions, mal préparés, dans une autre guerre de trente ans. Le génie de la civilisation ne l’a pas voulu ; ce qui devait être a été. On ne combattra qu’après s’être préparé au combat, après qu’on se sera reconnu, compté, passé en revue, rangé en ordre de bataille ; la lutte sera régulière, et on aura un résultat prévu et certain : ce ne sera plus un combat de nuit.