Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/389

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inhabité maintenant. Il ressemble à un palais d’amphibies ; les flots du Bosphore, pour peu qu’ils s’élèvent sous le vent, rasent les fenêtres, et jettent leur écume dans les appartements du rez-de-chaussée ; les marches des perrons trempent dans l’eau ; des portes grillées donnent entrée à la mer jusque dans les cours et les jardins. Là sont des remises pour les caïques et des bains pour les sultanes, qui peuvent nager dans la mer à l’abri des persiennes de leurs salons. Derrière ces cours maritimes, les jardins d’arbustes, de lilas et de roses s’élèvent en gradins successifs, portant des terrasses et des kiosques grillés et dorés. Ces pelouses de fleurs vont se perdre dans de grands bois de chênes, de lauriers et de platanes qui couvrent les pentes, et s’élèvent avec les rochers jusqu’au sommet de la colline. Les appartements du sultan sont ouverts, et je vois à travers les fenêtres les riches moulures dorées des plafonds, les lustres de cristal, les divans et les rideaux de soie. Ceux du harem sont fermés par d’épais grillages de bois élégamment sculptés. Immédiatement après ce palais commence une série non interrompue de palais, de maisons et de jardins des principaux favoris, ministres ou pachas du Grand Seigneur. Tous dorment sur la mer, comme pour en aspirer la fraîcheur. Leurs fenêtres sont ouvertes ; les maîtres sont assis sur des divans, dans de vastes salles toutes brillantes d’or et de soie ; ils fument, causent, boivent des sorbets en nous regardant passer. Leurs appartements donnent aussi sur des terrasses en gradins chargées de treillis, d’arbustes et de fleurs. Les nombreux esclaves, en riches costumes, sont en général assis sur les marches d’escaliers que baigne la mer ; et les caïques, armés de rameurs, sont au bord de ces escaliers, prêts à recevoir et à emporter les maîtres de