Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/449

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ville dans une plaine cultivée, appelée Tatar-Bazargik ; elle appartient, ainsi que la province environnante, à une de ces grandes familles féodales turques, dont il existait cinq ou six races en Asie et en Europe, respectées par les sultans. Le jeune prince qui possède et gouverne Tatar-Bazargik est le fils de l’ancien vizir Husseim-Pacha. Il nous reçoit avec une hospitalité chevaleresque, nous donne une maison construite à neuf au bord d’une rivière qui entoure la ville, maison vaste, élégante, commode, appartenant à un riche Arménien : à peine y sommes-nous installés, que nous voyons arriver quinze ou vingt esclaves, portant chacun un plateau d’étain sur la tête ; ils déposent à nos pieds sur le plancher une multitude de pilaus, de pâtisseries, de plats de gibier et de sucreries de toute espèce, des cuisines du prince ; on m’amène deux beaux chevaux en présent, que je refuse ; des veaux et des moutons pour nourrir ma suite.

Le lendemain, nous commençons à voir les Balkans devant nous : ces belles montagnes, boisées et entrecoupées de grands villages et de riches cultures, sont peuplées par les Bulgares. Nous suivons tout le jour les bords d’un torrent qui forme des marais dans la plaine ; arrivés au pied du Balkan, je trouve tous les principaux habitants du village bulgare d’Yenikeui qui nous attendent, prennent les rênes de nos chevaux, se placent à droite et à gauche de nos voitures, les soutiennent de la main et des épaules, les soulèvent quelquefois pour empêcher la roue de couler dans les précipices, et nous conduisent ainsi dans le misérable village où mes Tartares nous ont devancés ; les maisons, éparses sur les flancs ou les croupes de deux collines séparées par