Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/45

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pas de la tour de David, un peu au-dessus de la fontaine de Siloé, qui coule encore sur les dalles usées de sa grotte, non loin du tombeau du poëte-roi qui l’a si souvent chantée. Les hautes et noires terrasses qui portaient jadis le temple de Salomon s’élevaient à ma gauche, couronnées par les trois coupoles bleues et par les colonnettes légères et aériennes de la mosquée d’Omar, qui plane aujourd’hui sur les ruines de la maison de Jéhovah.

La ville de Jérusalem, ravagée par la peste, était tout inondée des rayons d’un soleil éblouissant répercutés sur ses mille dômes, sur ses marbres blancs, sur ses tours de pierre dorée, sur ses murailles polies par les siècles et par les vents salins du lac Asphaltite ; aucun bruit ne montait de son enceinte, muette et morte comme la couche d’un agonisant ; ses larges portes étaient ouvertes, et l’on apercevait de temps en temps le turban blanc et le manteau rouge du soldat arabe, gardien inutile de ces portes abandonnées : rien ne venait, rien ne sortait ; l’air du matin soulevait seul la poudre ondoyante des chemins, et faisait un moment l’illusion d’une caravane ; mais quand la bouffée de vent avait passé, quand elle était venue mourir en sifflant sur les créneaux de la tour des Pisans ou sur les trois palmiers de la maison de Caïphe, la poussière retombait, le désert apparaissait de nouveau, et le pas d’aucun chameau, d’aucun mulet, ne retentissait sur les pavés de la route : seulement, de quart d’heure en quart d’heure, les deux battants ferrés de toutes les portes de Jérusalem s’ouvraient, et nous voyions passer les morts que la peste venait d’achever, et que deux esclaves nus portaient, sur un brancard, aux tombes répandues tout autour de nous. Quelquefois un long