Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/80

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brousse-poil, se nuancent de teintes ondoyantes, et ressemblent à un fleuve de verdure et de fleurs qui ruissellerait à vagues parfumées. Il s’en échappe alors des bouffées d’odeurs enivrantes, des multitudes d’insectes aux ailes colorées, des oiseaux innombrables qui vont se percher sur les arbres voisins ; l’air est rempli de leurs voix qui se répondent, du bourdonnement des essaims de guêpes et d’abeilles, et de ce sourd murmure de la terre au printemps, que l’on prend, avec raison peut-être, pour le bruit sensible des mille végétations de sa surface. Les gouttes de rosée de la nuit tombent de chaque feuille, brillent sur chaque brin d’herbe, et rafraîchissent le lit de cette petite vallée à mesure que le soleil s’élève, et commence à faire glisser ses rayons au-dessus des hautes cimes d’arbres et des rochers qui l’enveloppent.

Nous déjeunâmes là, sur une pierre, au bord d’une caverne où deux gazelles s’étaient réfugiées au bruit de nos pas. Nous nous gardâmes bien de troubler l’asile de ces charmants animaux, qui sont à ces déserts ce que l’agneau est à nos prés, ce que les colombes apprivoisées sont aux toits ou aux cours de nos cabanes.

Toute la vallée était tendue des mêmes rideaux mobiles de feuillage, de mousse, de végétation ; nous ne pouvions retenir une exclamation à chaque pas : je ne me souviens pas d’avoir jamais vu tant de vie dans la nature, accumulée et débordant dans un si petit espace. Nous suivîmes cette vallée dans toute sa longueur, nous asseyant de temps en temps là où l’ombre était la plus fraîche, et donnant çà et là un coup dans l’herbe avec la main, pour en faire jaillir