Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Nahr-Bayruth, ou fleuve de Bayruth, qui s’échappe, à quelques milles de là, d’une des gorges les plus profondes et les plus rocheuses du Liban, partage la plaine en deux. Il court gracieusement à pleins bords, tantôt resserré dans ses rives bordées de joncs, semblables à des champs de sucre, tantôt extravasé dans les pelouses verdoyantes ou sous les lentisques, et jetant çà et là comme de petits lacs brillants dans la plaine. Tous ses bords sont couverts de végétation, et nous distinguions des ânes, des chevaux, des chèvres, des buffles noirs et des vaches blanches, répandus en troupeaux le long du fleuve, et des bergers arabes qui passaient le fleuve à gué sur le dos de leurs chameaux. On voyait aussi plus loin, sur les premières falaises de la montagne, des moines maronites, vêtus de leur robe noire à capuchon de matelot, qui conduisaient silencieusement la charrue sous les oliviers de leur champ. On entendait la cloche des couvents qui les rappelait de temps en temps à la prière. Alors ils arrêtaient leurs bœufs, appuyaient la perche contre le manche de la charrue, et, se mettant à genoux quelques minutes, ils laissaient souffler leur attelage, tandis qu’eux-mêmes aspiraient un moment au ciel.

En avançant davantage encore, en commençant à descendre vers le fleuve, nous découvrîmes tout à coup la mer, que les parois de la vallée nous cachaient jusque-là, et l’embouchure plus large du Nahr-Bayruth qui s’y perdait. Non loin de cette embouchure, un pont romain presque en ruines, à arches très-élevées et sans parapets, traverse le fleuve ; une longue caravane de Damas, allant à Alep, y passait dans ce moment même ; on les voyait un à un, ceux--