Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/144

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qui n’est point complètement séparée de celle des unités économiques semblables qui l’entourent. Cependant pour la nation, en général, les relations économiques avec les nations étrangères ont moins d’importance que n’en ont pour les individus leurs relations avec les autres individus. Dans nos sociétés modernes, les hommes le plus souvent ne produisent guère que pour autrui, et c’est par l’échange qu’ils se procurent la plupart des biens qu’ils consomment. Les nations, au contraire, se suffisent à elles-mêmes dans une très grande mesure : leurs relations économiques avec l’extérieur ne représentent qu’une faible partie de leur vie économique[1]. Cela tient aux facilités que nous donnent, pour l’établissement de relations économiques avec nos compatriotes, la proximité, la communauté de législation, la communauté — qui existe à l’ordinaire pour les membres d’une même nation — de la langue et des mœurs, la tradition, enfin l’absence de ces barrières économiques que la plupart des nations dressent à leurs frontières.

En même temps qu’elles se trouvent relativement isolées les unes des autres, les économies nationales sont différenciées généralement par les caractéristiques que donnent à chacune d’elles les génies différents des nations : chaque peuple a, au point de vue des goûts, des habitudes, etc., ses traits distinctifs qui influent sur son économie.

Considérons maintenant l’économie de la nation, non pas en tant qu’elle résulte des activités économiques des individus qui composent cette nation, mais en tant qu’elle s’ajoute aux économies individuelles et qu’elle contribue à les déterminer. On sait que l’État, qui est en un certain sens la représentation de la nation, est souverain. Celte souveraineté implique l’indépendance vis-à-vis des autres États, le droit pour la nation de conduire ses destinées à sa guise. Elle implique aussi la faculté pour l’État de limiter comme il juge à propos la liberté des membres de la nation, et l’État peut recourir à la force pour se faire obéir. Quel usage donc l’État fera-t-il de sa souveraineté, dans l’ordre économique ? Il s’occupera de dé fendre les intérêts économiques de la nation contre les nations étrangères, par exemple en établissant des droits de douane. Il défendra ces mêmes intérêts généraux de la nation contre les membres mêmes de celle-ci, par qui ces intérêts risqueraient souvent d’être lésés[2]. Il s’emploiera à satis-

  1. Le commerce extérieur spécial de la France s’est élevé, en 1905, à 4,50 milliards environ à l’importation et à 4,45 milliards à l’exportation (Annuaire statistique de 1905, p. 3°) ; on peut estimer, grossièrement sans doute, ce que cela peut faire de bénéfices pour la nation. Il y a maintenant les revenus que les Français retirent de leurs placements au dehors, les sommes dépensées en France par les étrangers de passage, etc. Mais tout cela nous laisse bien loin des 25 milliards où se monte, croit-on, le revenu annuel de la nation.
  2. Il faut lire les développements qu’Effertz a donnés à cette idée dans ses Anta-