Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/427

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

est la forme par excellence de la richesse ; et elle ne tire cette propriété qu’elle a que du consentement, en quelque sorte, de tous les membres de la société. Sans doute les principales des monnaies — les monnaies métalliques — ont une utilité intrinsèque, liais si ces monnaies métalliques, pour une raison ou pour une autre, cessaient d’être reçues en paiement partout le monde, alors, ne conservant plus pour fonder leur valeur que leur utilité intrinsèque, cette valeur ne manquerait pas de baisser considérablement.

Les considérations précédentes ne justifient pas l’étonnement que certains éprouvent de voir les monnaies acceptées de tous : du moment que, recevant une monnaie, je sais que je pourrai la « faire passer », peu importe si elle a ou non une utilité intrinsèque. Mais ces considérations nous obligent, du moins, à nous poser la question de l’origine de la monnaie.

Comment donc l’usage de la monnaie a-t-il pris naissance ? Pour répondre à cette question il ne suffit pas de représenter les services que la monnaie rend à l’humanité : il faut montrer de quelle manière, par quel processus elle s’est constituée[1].

On ne saurait, d’autre part, attribuer l’origine de la monnaie à une invention : une telle explication ne vaudrait pas beaucoup plus pour la monnaie qu’elle ne vaut pour le langage. Et on ne saurait parler non plus d’une décision prise par une autorité : une telle décision serait une invention encore, propagée seulement par la coercition au lieu d’être propagée par la persuasion et l’imitation.

La monnaie ne peut être née que d’une évolution progressive. Cette évolution, au reste, il y a moyen de s’en faire une représentation qui la rende parfaitement intelligible, d’où non seulement toute impossibilité, mais toute obscurité soient exclues. Et cette représentation ne sera pas pure ment hypothétique : elle recevra une confirmation au moins partielle de l’histoire — tant de l’histoire au sens familier du mot que de la linguistique —, et aussi des observations que l’on peut pratiquer de nos jours chez certaines peuplades très arriérées.

Le commencement de cette évolution quia créé la monnaie telle que nous la connaissons doit être cherché dans le fait des hommes qui les premiers ont échangé des biens contre d’autres avec la pensée d’utiliser ceux- ci pour des échanges ultérieurs. L’idée d’une opération pareille a dû germer de très bonne heure dans l’esprit des hommes. La prévoyance ne saurait manquer de l’inspirer même à des individus d’un développement intellectuel rudimentaire. Un sauvage a fait une chasse ou une pêche très abondante ; il a plus de gibier ou de poisson qu’il ne lui en faut ; il veut échanger cette portion de sa chasse ou de sa pèche qui ne lui est d’aucune uti-

  1. Voir sur cette question Menger, Geld (Handwörterbuch, d. S., t. IV), I.