Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/460

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l’échange des considérants qu’il faut abandonner. Essayons donc de démêler les effets que peut avoir l’émission du papier-monnaie.

Pour bien voir ces effets, il importe, tout d’abord, de noter le rôle que joue, quand du papier-monnaie est émis, certain facteur d’ordre psychologique. Le public peut ne pas avoir une entière confiance dans ces morceaux de papier qui n’ont, par eux-mêmes, aucune valeur, et auxquels l’État a conféré une valeur parfois élevée. De là une dépréciation du papier-monnaie, lequel circulera pour une valeur inférieure à sa valeur nominale, ou encore — dans le cas où, même sans l’intervention de notre facteur psychologique, le papier-monnaie eût dû subir une dépréciation — pour une valeur inférieure à celle qu’il eût eue autrement. Cette dépréciation, naturellement, variera selon le cours des événements politiques, etc. Et pour en comprendre les fluctuations, il faut prendre en considération l’action des banquiers, que leur situation met à même de prévoir mieux que les autres les phénomènes intéressant la circulation monétaire, et en même temps d’exercer une influence sur les conditions de cette circulation. À la vérité, ce rôle que nous assignons au facteur psychologique a été parfois contesté. On s’est appuyé, pour cela, sur ce fait qu’on a vu, dans certains cas, la dépréciation du papier-monnaie d’un État diminuer quand le cours des fonds de cet État baissait, et inversement. Mais de pareils faits ne légitiment pas la conclusion qu’on en tire : on oublie, par exemple, que le cours des fonds publics dépend du taux de l’intérêt, lequel n’a point d’influence, ou du moins n’a pas une influence directe et ne saurait avoir une influence aussi marquée sur la dépréciation du papier-monnaie. Et à l’inverse, bien des faits démontrent notre thèse. Quand on suit, par exemple, les variations du cours du papier continental émis par les États-Unis pendant la guerre de l’Indépendance, on se convainc que ces variations sont dues, en grande partie, aux vicissitudes de la guerre, lesquelles tantôt augmentaient, et tantôt au contraire diminuaient la confiance des porteurs du papier[1]. Il y a quelques années, en Italie, le seul dépôt du projet de loi tendant à l’abolition du cours forcé du papier-monnaie diminua considérablement l’agio de l’or.

Négligeons ce facteur psychologique dont nous venons de parler : l’émission du papier-monnaie, alors, aura ces effets qui doivent résulter de l’augmentation, dans un pays, de la monnaie en cours, quand l’excédent de monnaie lancé dans la circulation ne peut circuler qu’à l’intérieur du pays en question.

Supposons, en premier lieu, un pays où il circule de la monnaie métallique. S’il y est émis du papier-monnaie, alors, la quantité de monnaie en circulation se trouvant accrue, les prix hausseront ; et les importations

  1. Cf. Gourcelle-Seneuil, Traité des opérations de banque, liv. IV, chap. 10, § 3 (p. 464) ; lire encore Conant, Monnaie et banque, liv. III, chap. 9 (trad. fr., t. I).