Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/524

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calités, il conviendrait de parler de deux marchés solidaires l’un de l’autre jusqu’à un certain point.

Plaçons-nous dans une localité. Considérons ces biens pour lesquels le concept théorique du marché exprime le mieux la réalité. Voyons, par exemple, comment s’établit le cours de telle variété de la rente française à la Bourse de Paris, dans une séance donnée. Nous pouvons constater que le processus par lequel ce cours se détermine ne se déroule pas tout à fait de la façon que nous avons indiquée plus haut. On ne voit pas que les vendeurs et les acheteurs attendent tous, avant de conclure aucune transaction, de connaître ce prix qui correspond exactement au rapport de l’offre et de la demande. Beaucoup de vendeurs et d’acheteurs vendent et achètent au mieux ; c’est-à-dire que des transactions sont conclues à des cours variés, déterminés par le désir plus ou moins vif qu’ont de vendre ou d’acheter ceux qui y participent, et par l’idée qu’ils se font, les uns et les autres, de l’état du marché, des fluctuations ultérieures de la rente. On a ainsi, dans une même séance, non pas un prix unique qui résulterait d’une tractation entre tous les vendeurs d’une part, et tous les acheteurs de l’autre, mais une multiplicité de prix, très voisins sans doute les uns des autres — sauf dans les cas où en cours de séance de graves nouvelles sont apportées qui peuvent modifier sérieusement les dispositions des gens —, point uniformes cependant.

Nous venons d’envisager cette hypothèse dans laquelle la théorie se rap proche le plus de la réalité. Bien souvent, le concept théorique du marché se réalise — dans une même localité — d’une manière beaucoup plus imparfaite.

Nous nous sommes occupés, ci-dessus, de ces biens qui sont toujours pareils à eux-mêmes : un titre de rente, par exemple, est identique à un autre titre de rente, et l’on conçoit qu’il puisse n’y avoir qu’un cours pour la rente. S’agit-il de blés, de cafés ? On peut classer les blés, les cafés, en un certain nombre de variétés, distinguer dans chacune de ces variétés des qualités, et former ainsi des catégories à l’intérieur desquelles toutes les unités pourront être regardées comme fongibles. Mais prenons les vins : ils diffèrent trop selon les crus pour qu’on puisse acheter un vin sans en avoir eu un échantillon ; on ne pourra donc pas parler de cours pour les vins de la même façon qu’on parle des cours des blés ou des cafés. De même, dans une ville, il n’y aura pas un prix unique pour les terrains & bâtir, ou une série de prix correspondant à des catégories de terrains : chaque site aura sa valeur propre. Et sans doute on conçoit que la théorie puisse déterminer — encore que le problème apparaisse comme très compliqué — quel prix un site doit être vendu. Mais comme ce site fait l’objet d’une transaction que l’on peut dire séparée, le prix qu’il obtiendra risque de s’écarter sensiblement de sa valeur théorique.