Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/539

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mot, toutefois, est pris dans des acceptions quelque peu diverses, sur les quelles il est nécessaire que nous nous expliquions.

1° Le sens le plus étendu que l’on ail donné au mot «c crise » est celui que l’on trouve chez Tarde[1]. Pour celui-ci, il y a crise économique chaque fois que chez un nombre suffisamment grand de sujets économiques il y a des attentes déçues. Ces sujets économiques pourront ne pas être des « producteurs » dans le sens que les économistes sont accoutumés adonner à ce mot. Ainsi il y aura crise quand l’invention d’une machine privera une certaine catégorie d’ouvriers de leur gagne-pain. Ne considérons que les « producteurs ». Si nous acceptons la définition de Tarde, nous parlerons de crise lorsqu’une mauvaise récolte met dans la gène une catégorie d’agriculteurs. Mais on remarquera que dans un cas pareil il n’y a pas véritablement défaut d’équilibre entre l'offre et la demande. Sans doute le prix effectif s’éloignera du prix normal ; mais il ne s’en éloignera que parce qu’il s’agit ici d’une production qu’il est impossible de régler à l’avance. De ce que la récolte d’une denrée a été mauvaise une année, il ne s’ensuit nullement qu’il convienne l’année suivante de consacrer plus — ou moins — de terres, de capitaux, de main-d’œuvre à la production de cette denrée. Et on peut assimiler à ce cas celui de la guerre ou du cataclysme qui cause beaucoup de ruines, mais qui n’apporte pas de modification à la production.

2° On peut s’attacher à ces seules déceptions qui doivent avoir pour conséquence une modification dans l’organisation de la production. Ici encore, d’ailleurs, il y a une distinction à faire. Tantôt les déceptions en question résulteront de l’établissement, pour la production, de conditions nouvelles qui seront durables : ainsi une industrie qui produit un certain bien, si quelque bien vient à être découvert qui le remplace parfaitement et qui coûte moins cher, sera condamnée à disparaître. Tantôt au contraire les déceptions des producteurs résulteront de phénomènes passagers, ou bien encore elles résulteront d’erreurs que ces producteurs auront com mises, sans que rien ait changé dans les conditions de la production.

C’est du deuxième des concepts que nous venons d’indiquer que nous avons l’intention de nous occuper. Et c’est pour ce deuxième concept que l’on réserve à l’ordinaire — et que nous réserverons aussi — le nom de

    povich, Grundriss, 1er vol., § 139. Parmi les travaux plus étendus et plus approfondis, les plus récents sont ceux de Lescure (Des crises générales et périodiques de surproduction, Paris, Recueil Sirey) et de Supino (Le crisi economiche. Milan, Hœpli, 1907). Les théories sur les crises ont été étudiées par Bergmann, Geschichte der nationaökonomischen Krisentheorien, Stuttgart, 1805.

  1. Psychologie économique, t. II, liv. II, chap. 4, ii. Voir encore Pinkus, Das Problem des Normalen in der Nationalökonomie, Leipzig, Duncker et Humblot, 1906, chap. 3.