Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/56

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

à ne donner qu’une explication très incomplète de phénomènes comme celui de l’intérêt. Mais on peut se contenter de cette hypothèse quand on veut étudier la détermination des prix sur le marché : car les corrections qu’il y aurait lieu d’y apporter seraient de peu d’importance.

Nous venons de parler de ces nécessités qui s’imposent à ceux qui manient la déduction, mais qui résultent, plus encore que de la nature propre du raisonnement déductif, de la nature et des conditions générales de la recherche scientifique. Il y a d’autre part, dans l’emploi de la déduction, des dangers de toutes sortes que les économistes déductifs, souvent, n’ont pas su éviter : et les erreurs graves où ils sont tombés par là sont pour beaucoup dans les préventions que certains nourrissent à l’égard de la déduction. Énumérons les principaux de ces dangers.

1o Comme il vient d’être dit tantôt, l’économiste qui se sert de la déduction doit, partant d’hypothèses très simples, compliquer progressivement ces hypothèses de façon à s’approcher toujours davantage de la réalité concrète. Or certains économistes « déductifs », non seulement ont trop négligé de faire cet effort pour se rapprocher de la réalité, et s’en sont tenus systématiquement à des théories par trop simplistes, mais ont manqué à nous prévenir du véritable caractère de leurs spéculations ; et à certains il est arrivé de manquer à le voir. N’a-t-on pas prétendu faire l’économique aussi simple que la mécanique céleste ? De même que dans la mécanique céleste, a-t-on dit, tout découle du principe de la gravitation, de même dans l’économique tout découle de ce principe que l’homme cherche à obtenir le maximum de plaisir avec le minimum de peine, plus exactement à porter à son maximum l’excédent des plaisirs dont il jouira sur les peines qu’il aura à souffrir. Mais l’assimilation est inexacte sur plusieurs points. Pour appliquer la loi de la gravitation aux corps célestes, on n’a qu’à considérer ceux-ci sous le double rapport de leur masse et de leur position : l’activité économique des hommes, au contraire, s’exerce au milieu de conditions multiples et de sortes diverses ; et de plus le principe « hédonistique » ne pourra recevoir d’application que lorsqu’on connaîtra la diversité des plaisirs que chaque homme recherche et des peines qu’il redoute. Mais surtout, le principe de la gravitation peut être regardé avec une approximation très grande comme le seul principe régissant les mouvements des corps célestes, tandis que le principe hédonistique est assez éloigné de gouverner toute notre activité économique.

2o L’économiste déductif peut omettre des faits, des lois d’une grande importance, non plus par une recherche ou une préoccupation excessive de simplification, mais parce que ces faits, ces lois lui auront échappé. On a été jusqu’à ces dernières années sans découvrir le principe de l’« équilibre de la consommation », c’est-à-dire ce principe qui veut que, toutes choses constantes d’ailleurs, la distribution la plus avantageuse de nos dépenses