Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/57

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entre les périodes successives de la durée soit la distribution égale ; ou du moins on n’a pas songé à introduire ce principe dans la théorie de l’intérêt du capital, où il doit tenir une place de premier ordre[1].

3o On peut introduire dans ses déductions des prémisses fausses. Böhm-Bawerk par exemple, dans sa théorie de l’intérêt, fait un grand usage de cette proposition que dans toute entreprise on peut, par des allongements successifs du processus productif, accroître le produit toujours davantage, encore que l’augmentation du produit aille en se ralentissant. Cette proposition ne correspond pas à la réalité : le produit augmente indéfiniment si l’on fait des dépenses plus fortes pour l’avoir ; il ne saurait être accru indéfiniment dans son rapport avec les avances consenties[2].

4o Les déductions peuvent être viciées par l’insuffisante netteté des concepts, laquelle fait que l’on passe de prémisses exactes — en un certain sens — à des conclusions qui ne sont plus vraies que partiellement. Que l’on pense ici à des théories comme celle qui explique l’intérêt du capital par l’abstinence. Le capitaliste qui prête ses capitaux s’abstient de consommer ceux-ci ; mais quand on parle d’abstinence, on entend parler, à l’ordinaire, d’un sacrifice. Or, tout renoncement n’est pas un sacrifice, toute abstention n’est pas une abstinence — dans ce sens que nous venons d’indiquer —. Et ainsi c’est tirer une conclusion fausse que de dire que l’intérêt représente toujours pour le capitaliste une rémunération dont il n’aurait pas pu se passer.

5o Les raisonnements déductifs, dans l’économique, sont viciés encore, et très souvent, par des assimilations inexactes qu’on y fait. Deux exemples considérables nous sont donnés par certaines théories de la monnaie et du commerce international. Certains économistes veulent que le numéraire soit une marchandise « comme les autres », qu’elle soit soumise comme les autres marchandises à la « loi de l’offre et de la demande » ; ils tirent de là diverses conséquences, cette conséquence notamment que toute augmentation du numéraire doit entraîner d’une manière en quelque sorte immédiate une hausse uniforme — et proportionnelle à cette augmentation — de tous les prix. Mais ces conséquences, comme nous le verrons, ne correspondent qu’imparfaitement à la réalité, et cela parce que l’assimilation initiale de la monnaie aux biens qu’elle sert à payer n’est point fondée, ou n’est fondée que dans une certaine mesure. Que dirons-nous des raisonnements d’auteurs comme Mill sur le commerce international ? Ces raisonnements impliquent perpétuellement que deux nations se comportent vis-à-vis l’une de l’autre, dans leurs échanges, comme feraient deux individus. Et cela n’est ni immédiatement, ni absolument vrai.

  1. Voir plus loin, au § 368.
  2. Nous reviendrons là-dessus aux §§ 91-92.