Page:Langevin - La Pensée et l'action, 1950.djvu/134

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façon bien étroite et gênante s'ils renonçaient au mot de réalité et vous sentirez ensuite que, personnellement, je suis réaliste; je crois qu'il est difficile d'être un physicien expérimental sans croire à la réalité, non seulement des autres physiciens, mais aussi du monde. Et, si l'on considère comme dépourvue de sens toute affirmation concernant la réalité du monde extérieur, si l'on considère le caractère essentiellement collectif de notre science comme résultant de notre contact commun, de nos réalités et de nos communications, dans lesquelles nous postulons notre existence réciproque, si l'on parle d'une intersubjectivité, j'avoue que je vois bien des subjectivités, mais je ne vois pas comment on peut parler d'intersubjectivités, car alors chacun d'entre nous est enfermé dans un rôle de sujet, sentant et pensant, mais sentant en incitation à l'action, puisqu'il n'y a pas de réalité extérieure sur laquelle nous soyons incités à agir. Cette attitude est donc essentiellement critique, analytique et statique; elle est plus propre à dresser le bilan des connaissances acquises, à formuler clairement la structure et le contenu de ces connaissances, qu'à montrer la voie pour les étendre ou les renouveler, plus propre à signaler les difficultés qu'à les résoudre. Elle permet l'élimination des notions ou des théories, la dénonciation des problèmes et affirmations vides de sens, mais elle ne permet pas de formuler des indications pour la construction de notions ou de théories nouvelles.