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citer le scandale causé par l’introduction révolutionnaire de la notion de potentiel au temps de son enfance, et par la notion d’entropie au temps de sa jeunesse, toutes deux d’abord « imbuvables », « rébarbatives » et pourtant devenues rapidement familières) ; — la science avance par crises : crise de la physique nucléaire, crise des quanta, crise de la relativité.

La grande loi dialectique du progrès par bonds et de la transformation de la quantité en qualité est formulée dès l’époque de la conférence de 1937 sur La contribution des sciences physiques à la culture générale :


Le progrès (de la science et de la philosophie) s’accomplit à travers une série de crises provoquées par l’accroissement si rapide que permet la méthode expérimentale au point de vue du nombre […] des faits.


Ainsi triomphait « le sens du mouvement » dans la science et l’entendement, de même qu’il triomphe dans la nature.

Langevin se reportait toujours aux sources, au commencement des écoles, à Euclide plutôt qu’à ses traducteurs ; à Newton plutôt qu’à ses disciples ; à Thénard, découvreur de l’eau oxygénée, plutôt qu’aux manuels qui affadissent ses vues sur l’oxydation ; aux fondateurs, qui émettent des hypothèses nouvelles, plutôt qu’aux commentateurs et continuateurs, — Marx dit : les épigones, — qui fossilisent et sénilisent[1]. On ferait, rien qu’avec des extraits des œuvres de Paul Langevin, un excellent exposé de dialectique vivante appliquée à la science. Ses héros de prédilection dans l’histoire des sciences, ce furent toujours les grands bousculeurs comme René Descartes, l’anti-scolastique, comme Michael Faraday, comme Einstein, savants par choix et non par profession, en telle sorte que les idées reçues, les préjugés et les « idoles », l’académisme et la routine les arrêtaient

  1. La valeur éducative de l’histoire des sciences, p. 698.