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tion de l’héritage se fait à partir de l’héritage. Personnellement, Paul Langevin avait pleine conscience d’être, dans l’ordre des sciences de la nature, le légitime successeur et le continuateur des Berthelot et des Claude Bernard. Sa conception de l’éducation de l’homme, — à l’élaboration de laquelle il a consacré un soin considérable, comme les anciens matérialistes français, comme Marx ensuite et en général comme tous les humanistes, de Johann Wolfgang von Goethe à Romain Rolland, — procédait, elle aussi, en partie de Marcelin Berthelot, et il y relevait avec fierté et cette filiation et le progrès décisif que les rationalistes modernes accomplissent, dans la théorie de l’éducation, par rapport à leurs prédécesseurs.

Langevin, qui avait naturellement le sens des grands problèmes, posait celui de l’éducation avec non moins d’audace que les autres. Remarquable est sa définition de la culture :


Être cultivé, c’est avoir reçu et développer constamment une initiation aux différentes formes d’activité humaine, indépendamment de celles qui correspondent à la profession, de manière à pouvoir entrer largement en contact, en communion avec les autres hommes.


Dans cette définition qui remonte à 1931[1] se manifestent déjà l’authenticité et la profondeur de la préoccupation sociale, cette sensibilité aiguë à la nécessité du « grand effort collectif d’adaptation » qui devait, au terme de l’évolution ascendante de Paul Langevin, le conduire à identifier culture et communisme.

Les études pédagogiques de Paul Langevin sont de tout premier ordre, et personne n’en disconvient. Mais il importe de déceler le secret de leur exceptionnelle valeur, et beaucoup s’emploieraient volontiers à épaissir l’ombre, au contraire, sur ce ressort puissant. Langevin révélait lui-même, d’un seul mot, la détente cachée de

  1. Conférence du 11 juin 1931 au Musée Pédagogique sur La contribution de l’enseignement des sciences physiques à la culture générale.