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notions que leur adaptation progressive, non terminée encore, aux données de plus en plus subtiles de l’expérience humaine.

Je voudrais montrer que la forme, insuffisamment analysée d’ordinaire, sous laquelle ces notions se présentaient jusqu’ici, était déterminée, conditionnée, par une synthèse particulière et provisoire du monde, par la théorie mécaniste. Notre espace et notre temps étaient ceux exigés par la mécanique rationnelle.

À la synthèse nouvelle, de plus en plus puissante, que représente la théorie électromagnétique des phénomènes physiques, correspondent un espace et un temps, un temps surtout, autres que ceux de la Mécanique, et en faveur desquels nos moyens actijels d’ipvestigation expérimentale viennent de se prononcer. Il est particulièrement remarquable que le perfectionnement croissant de nos méthodes de mesure, dont la précision a pu être poussée pour certaines au delà du milliardième, nous oblige à continuer encore aujourd’hui l’adaptation aux faits des catégories les plus fondamentales de notre pensée. Il y a là, pour le philosophe, une occasion excellente de pénétrer la nature intime de ces catégories en les trouvant encore en voie d’évolution, en les voyant vivre et se transformer sous ses yeux.

Il n’y a ni espace, ni temps à priori : à chaque moment, à chaque degré de perfectionnement de nos théories du monde physique, correspond une conception de l’espace et du temps. Le mécanisme impliquait la conception ancienne,