Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/103

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comme on sait, n’entendait pas la discussion. Un autre évêque, auprès duquel le roi renouvela sa tentative, voulut lui arracher le parchemin où il avait écrit sa profession de foi. Chilpéric « grinça les dents » et se tut. Il semble d’ailleurs qu’il ait été le seul théologien de la famille, ce singulier personnage que Grégoire de Tours accable d’une malédiction méritée, mais dont la physionomie nous intéresse au plus haut degré, parce qu’il a été le plus exact imitateur du gouvernement impérial et le disciple maladroit de la civilisation ancienne. Il faisait des præceptiones et des vers latins ; il était philologue et il commanda qu’on ajoutât des lettres à l’alphabet. Sa théologie, sa philologie, sa poésie, ses præceptiones, se ressemblent et se valent. Son gouvernement boite comme ses vers. Il parodie Auguste comme Virgile, et il est le type de cette royauté d’imitation grossièrement plaquée d’or antique.

Heureusement ces rois n’étaient pas assez bons chrétiens pour devenir des hérétiques. Ils avaient naïvement attaché leur fortune à celle de l’Église. Ils faisaient de leur orthodoxie une sorte de dignité. Les plus barbares d’entre eux, de vrais brigands, parlent de « l’intérêt du catholicisme, profectus catholicorum ». Ils proscrivent le paganisme par leurs lois ; ils excluent de l’État ceux qui sont exclus de l’Église : « Quiconque ne voudra pas obéir à son évêque, dit un décret de Childebert, sera chassé de notre palais, et ses biens seront donnés à ses successeurs légitimes. » Voilà qui achève de montrer que l’Église mérovingienne est une institution d’État.

Il n’est pas étonnant que la tradition romaine se soit ici conservée, quand elle s’est perdue si rapidement pour le reste. Le reste, administration savante, jurisprudence, arts, lettres, c’était le passé ; il était enseveli sous la ruine de la civilisation ancienne. Mais l’Église, qui survivait à cette ruine et que les Barbares trouvaient partout présente et puissante, continuait avec les rois les habitudes qu’elle avait prises avec les empereurs. Elle y trouvait son profit, des honneurs, des privilèges, l’appui du bras séculier. Après avoir professé dans ses premiers jours, quand elle était encore toute remplie de l’esprit du Nouveau Testament, l’indifférence à l’égard du pouvoir, elle avait senti