Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/112

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se faire un ennemi assuré pour acquérir un ami douteux. Il fallait donc donner, donner toujours jusqu’à la ruine ; ainsi ont fait les Mérovingiens, et la ruine est venue : c’était la conclusion fatale. Si on écarte les théories, celles des romanistes comme celles des germanistes, si l’on dépouille les faits de cette poésie dramatique que leur donne l’histoire pour les considérer eux-mêmes in abstracto, on peut expliquer en quelques mots les destinées de la première dynastie franque : le roi mérovingien, à l’origine, est un parvenu qui dispose d’un riche trésor de biens et d’honneurs ; il n’a pas trouvé d’autre politique que de dépenser ce trésor au jour le jour : il devait finir et il a fini par la banqueroute.

E. LAVISSE, Études sur l’histoire d’Allemagne, dans la Revue des Deux Mondes, 15 décembre 1885.


III. — HISTOIRE POÉTIQUE DES MÉROVINGIENS.


« Tous les peuples ont eu des récits épiques, c’est-à-dire des souvenirs historiques idéalisés. » Les barbares de Germanie, au temps de Tacite, célébraient leurs défaites, leurs victoires et les exploits de leurs grands hommes. Cassiodore parle des chants nationaux des Goths ; le héros par excellence du peuple goth, Théodoric, a occupé dans la littérature épique du moyen âge, sous le nom de Dietrich von Bern, une place d’honneur. Paul Diacre rapporte pieusement les traditions poétiques des Lombards. Les légendes des Vandales et des Frisons, qui n’ont pas eu de chroniqueurs, et des Anglo-Saxons, dont le chroniqueur Beda s’est montré très hostile aux souvenirs profanes, ont péri ; mais Widukind, au dixième siècle, recueillit la substance des vieilles chansons saxonnes, et Saxo Grammaticus, au douzième, a composé l’histoire primitive du Danemark avec des morceaux de poèmes scandinaves. Que les Francs aient possédé aussi une sorte de romancero de leurs destinées nationales, cela est, a priori,