Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/113

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très probable. Charlemagne, au rapport d’Eginhard, ordonna de consigner par écrit les vieilles chansons barbares de son peuple, barbara et antiquissima carmina. Ce recueil impérial disparut, malheureusement, de très bonne heure ; mais les chroniqueurs des Francs mérovingiens — Grégoire de Tours, Frédégaire, et le moine neustrien qui est l’auteur du Liber historiæ — ont dû, comme ceux de la plupart des autres nations barbares, faire entrer dans la trame de leurs livres quelques-uns de ces frustes et poétiques récits, qui sont à jamais perdus….

Grégoire de Tours, selon M. Kurth, a puisé dans les souvenirs populaires des Francs avec parcimonie et avec répugnance. Bien que très ignorant, il était, en effet, frotté de littérature classique ; en outre, il était chrétien ; enfin il était consciencieux. Trois raisons pour que la crudité de mauvais goût, la grossièreté et l’invraisemblance des traditions germaniques l’empêchassent de les goûter. Ajoutez que, ne sachant pas le francique, il n’en eut jamais connaissance que par des versions gallo-romaines. Grégoire ne s’est jamais résigné à recourir aux récits des barbares qu’à défaut de sources plus sûres, et il s’est toujours réservé le droit de les arranger : il les résume, élaguant du récit légendaire les détails épisodiques, les ornements, les hyperboles, c’est-à-dire tout ce qui en était la couleur et le parfum. L’histoire si connue de l’exil de Childéric en Thuringe fournit un exemple excellent de ces simplifications volontaires. « Childéric, raconte Grégoire, débauchait les filles des Francs ; il n’échappa à leur colère que par la fuite. Avant de s’exiler, il eut soin de partager une pièce d’or avec un de ses fidèles, qui promit de l’avertir quand l’heure du retour aurait sonné. Les Francs choisirent pour chef Egidius, général romain, et cela dura huit années. Ce temps écoulé, le fidèle de Childéric étant parvenu en secret à réconcilier le peuple avec le souvenir de son roi, pacatis occulte Francis, envoya à l’exilé le signe convenu. Et Childéric fut restauré. » A cette narration sommaire, décharnée, si l’on compare les récits correspondants de Frédégaire et du Liber historiæ, la méthode favorite de l’évêque de Tours s’accuse très clairement. Frédégaire et le moine neustrien, travaillant, indépendamment l’un de l’autre, à compléter, à l’aide de la tradition populaire qui persistait de leur