Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/117

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[Illustration : Monnaie de Théodebert.]

Frédégonde et Brunehaut sont des figures d’un relief puissant ; nul doute que l’imagination populaire ait ressassé et embelli leur biographie. Mais Frédégonde et Brunehaut ont vécu en pleine lumière historique. Nous n’avons rien de leur « histoire poétique » ; nous avons leur histoire. Et cela vaut beaucoup mieux. N’exagérons pas, en effet, les mérites de l’épopée barbare. Cette poésie épique « dont l’immense foyer, selon M. Kurth, brûlait au sein de la race germanique, projetant jusque dans les plus lointaines chaumières les ombres gigantesques des héros », — cette poésie épique, trop riche en épisodes conventionnels et en énumérations généalogiques, à en juger par les monuments scandinaves, paraîtrait sans doute assez froide aujourd’hui, et singulièrement inférieure, en tout cas, aux portraits et aux descriptions d’après nature d’un témoin sincère, clairvoyant, tel que Grégoire de Tours. Les Récits mérovingiens d’Augustin Thierry ne commencent qu’avec les fils de Clotaire, parce que c’est surtout à partir de l’avènement des fils de Clotaire que Grégoire, ayant vu directement les choses et les gens dont il parle, est précis et vivant. Combien de chansons stylisées sur Childéric et sur Clovis ne donnerait-on pas pour une autre Historia Francorum, de la main de saint Rémi !

Frédégonde, Brunehaut, Clotaire II, Dagobert sont, dans les chroniques mérovingiennes, des personnages foncièrement historiques, trop voisins des narrateurs pour que ceux-ci aient pu les considérer avec le recul de l’épopée. On recueille cependant avec raison tous les indices qui tendent à établir que les chansons et les légendes épiques n’ont pas été moins nombreuses, dans le pays des Francs, au VIIe siècle qu’au VIe. C’est que l’épopée carolingienne, dont les destinées, au moyen âge, furent si brillantes, n’est pas « une de ces plantes étrangères qui naissent en une nuit sur une place vide ; elle a été déterminée et préparée par des végétations puissantes, enracinées dès