Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rogée par celui-ci sur le motif de sa venue, répond crûment : « C’est parce que je sais ce que tu vaux ; si j’avais cru qu’il y eût, même au delà de la mer, quelqu’un de plus homme que toi, c’est à lui que je me serais donnée », cette reine Basine est le prototype des héroïnes de nos chansons de geste, si promptes à se jeter dans les bras des chevaliers de leur choix. — Après Childéric, Clovis. Plus encore que ses guerres, les amours de Clovis ont produit sur l’imagination populaire une profonde impression : l’histoire de la reine Clotilde, soustraite aux persécutions de son oncle Gondebaud par les émissaires du roi des Francs, qui l’épouse et qui la venge, est une vraie « légende nuptiale » du type de celles des sagas ; elle repose sans doute sur quelques données positives, mais elle a été influencée par les aventures de sainte Radegonde (si conformes à celles que les contemporains de cette sainte ont attribuées à Clotilde), et finalement stylisée. — La fortune poétique de Théodoric ou Thierri d’Austrasie, fils aîné de Clovis, dont l’activité s’est surtout dépensée en pays allemand, a été exceptionnelle. Les Anglo-Saxons du VIIe siècle, les Saxons continentaux du Xe siècle, le tenaient pour un des héros les plus fameux de l’épopée germanique. Sous le nom de Hug-Dietrich (Théodoric le Hugue, c’est-à-dire le Franc[1]), le fils de Clovis a joui en Allemagne, au moyen âge, d’une réputation à peine moindre que celle de son illustre homonyme, Théodoric, roi des Ostrogoths. Sa victoire, en Frise, sur les Normands de Hygelac, ses terribles guerres de Thuringe contre le roi Hermanfried, furent le sujet de chants anglo-saxons et saxons qui ont été conservés ; et dans l’admirable récit de ces événements par Grégoire de Tours (III, 4, 7 et 8), on sent, pour ainsi dire, palpiter confusément les ailes de la légende emprisonnée. Mais Grégoire ne s’intéresse guère aux Austrasiens ; le cycle franc des chansons sur Théodoric et sur son fils, ce jeune et chevaleresque Théodebert d’une beauté royale, le Wolf-Dietrich, le Roi Ortnit des conteurs d’Outre-Rhin, il n’en a rien, ou presque rien, voulu savoir ; il a condamné de la sorte la postérité à en conjecturer l’existence.

  1. Les barbares du Nord donnaient aux Francs le nom de Hugas.