Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/132

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toujours ce nom. Même la querelle des iconoclastes, qui détacha de l’Orient le reste de l’Italie, dans le sud fortifia l’hellénisme ; les partisans des images s’y réfugièrent en grand nombre, et les empereurs grecs ne les y inquiétèrent pas. Ce fut dans ces provinces une véritable colonisation grecque, et une colonisation en partie monastique. Dans la Calabre seule, on connaît les noms de quatre-vingt-dix-sept couvents de l’ordre de saint Basile qui se fondèrent à cette époque. Ce pays fut le centre de cette civilisation néo-hellénique ; Byzance y était aimée, et, quand vinrent les Normands, en bien des endroits on leur résista avec énergie. Robert Guiscard ne s’empara point sans peine de Tarente, de Santa Severiana ; encore ne put-il détacher violemment les populations de l’hellénisme : il fallut plus d’un siècle pour que le rite latin y remplaçât le rite orthodoxe ; au XIIe siècle, en certains endroits, on employait encore la langue grecque. Il en fut de même en Sicile. Dans d’autres provinces, la culture byzantine, moins fortement enracinée que dans ces deux pays, était cependant très puissante encore. « Est-il besoin de rappeler ce que les Normands eux-mêmes, après la conquête, dans la première période de leur domination sur le midi de l’Italie, empruntèrent à la civilisation gréco-byzantine ? Non seulement ils adoptèrent le grec comme une des langues officielles de leur chancellerie, parce qu’elle était celle d’une partie de leurs sujets, mais leur architecture resta entièrement byzantine jusque vers 1125. Les premières monnaies qu’ils frappent dans la Pouille et dans la terre d’Otrante sont imitées de celles de l’empire d’Orient. Le costume nouveau, caractérisé par la robe longue à l’orientale et par une sorte de bonnet phrygien, que l’Occident tout entier adopte vers 1090, un peu avant la première croisade, à la place du costume court qui prévalait jusqu’alors, leur y a dû sa première introduction. Et il n’est pas autre chose que le costume grec[1]. » Les princes normands fondaient autant de monastères grecs que de monastères latins ; à leur cour, les poètes, les historiens, les théologiens byzantins étaient aussi nombreux qu’à la

  1. Fr. Lenormant, la Grande-Grèce, 1881, t. II, p. 406, 407. L’auteur s’est attaché à faire ressortir l’importance de l’élément grec dans l’histoire de l’Italie méridionale au moyen âge.