Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/140

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la composition de quelques fragments. Mais cela ne veut pas dire qu’on puisse ranger tout le Koran d’après l’ordre chronologique. « Quand même tous les hommes et tous les Djinns l’essayeraient, ils n’en viendraient pas à bout. » Bien qu’il nous soit certainement possible de proposer un meilleur arrangement des sourates que celui qui est reçu dans l’Église musulmane, il est douteux qu’on en imagine jamais un qui emporte l’assentiment de tous les hommes compétents.

Pour les musulmans croyants, le Koran, c’est-à-dire la parole de Dieu, qui n’a pas été créée, est le livre le plus parfait qui soit, aussi bien pour le fond que pour la forme. Cela est naturel, mais il est étrange que le préjugé des musulmans ait eu sur nous beaucoup plus d’influence qu’on aurait dû s’y attendre. On a très sérieusement pris pour de la poésie, et admiré en conséquence, la rhétorique pompeuse et cet entassement, souvent insensé, d’images qui caractérisent les sourates mecquoises : on a regardé le style du livre entier comme un modèle de pureté. Or, il est difficile de disputer des goûts, mais je dois dire que pour ma part, parmi les ouvrages arabes anciens de quelque renom, je n’en connais pas qui montre autant de mauvais goût et qui soit aussi peu original, aussi excessivement prolixe que le Koran. Même aux récits, — et c’est encore la meilleure partie, — il y a beaucoup à redire. Les Arabes étaient généralement passés maîtres dans l’art de conter ; la lecture de leurs récits, dans le Livre des chants, est un vrai plaisir d’artiste. Les légendes, pour la plupart empruntées aux Juifs, que Mahomet a racontées, paraissent bien ternes quand on vient de lire une belle histoire d’un autre conteur arabe. C’était l’avis des Mecquois, qui n’étaient point mauvais juges. La forme, il est vrai, est originale, mais l’originalité n’est pas toujours et sous tous les rapports un mérite. Le style élevé, chez les Arabes, c’étaient ou les vers ou la prose rimée. Mais l’art de faire des vers, qu’à cette époque presque tout le monde possédait, Mahomet ne s’y entendait pas ; son goût était très bizarre ; aux plus grands poètes arabes, ses contemporains, il en préférait de fort médiocres qui savaient revêtir des pensées pieuses de vers de rhéteurs. Il avait même pour la poésie en général une aversion