Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/146

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que j’avais une autre bête. Il n’y a point de pays plus aride que celui des Beni-Sad ; mais dès notre retour, nos troupeaux donnèrent toujours beaucoup de lait, tandis que ceux de nos voisins n’en avaient pas. Aussi disaient-ils à leurs bergers : « Menez donc le bétail dans les pâturages où paît le troupeau de Hâlima. » Ils le firent, mais en vain. C’est ainsi que nous avions abondance et richesse. Après deux ans, je sevrai l’enfant et il grandit parfaitement, comme son frère de lait. Nous le ramenâmes à sa mère ; mais comme nous aimions à le garder encore à cause des nombreuses bénédictions qu’il nous avait values, je dis à sa mère : « Il est préférable de laisser ton fils chez nous jusqu’à ce qu’il ait toute sa force, car je crains que le mauvais air de la Mecque ne lui fasse du tort. » Elle nous permit de le reprendre avec nous.

A un mois de là, il se trouvait un jour avec son frère de lait près des troupeaux qui paissaient derrière nos tentes, quand son frère nous cria : « Deux hommes vêtus de blanc ont saisi notre Koraïchite, l’ont étendu sur le sol et lui ont ouvert le corps. » Mon mari et moi nous y courûmes ; nous trouvâmes Mahomet debout, mais pâle, et nous lui demandâmes ce qui lui était arrivé. Il répondit que deux hommes avaient ouvert son corps en le coupant et y avaient cherché quelque chose, mais il ne savait quoi. Nous retournâmes à notre tente et mon mari me dit : « Je crains que cet enfant n’ait eu une attaque. » Nous le ramenâmes à sa mère et elle nous en demanda le motif, car nous lui avions fait connaître auparavant que nous voulions encore garder l’enfant chez nous. « Ton fils est grand, maintenant, lui dis-je ; j’ai fait pour lui tout ce que je devais. Je crains qu’il ne lui arrive malheur et c’est pour cela que je te l’ai ramené. — Ce n’est pas là le vrai motif, répondit la mère ; raconte-moi franchement ce qui s’est passé. » Quand elle m’eût forcée à tout lui dire, elle s’écria : « Tu crains que le diable ne fasse de lui sa victime ? — Oui, répondis-je. — Par Dieu, reprit-elle, il n’en est rien, le diable n’a pas de pouvoir sur lui. Mon fils est appelé à de hautes destinées ; ne t’ai-je pas raconté son histoire ? Quand j’étais enceinte de lui, il sortit de moi une lumière si éclatante qu’elle me permettait de voir les palais de