Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/145

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cette dernière époque un récit relatif à l’éducation qu’il aurait reçue à la campagne dans la tribu bédouine des Beni-Sad ; mais ce récit lui-même paraît bien peu fondé. Voici la légende sous cette dernière forme ; c’est Hâlima, femme de la tribu des Beni-Sad, qui parle :

« Je quittai un jour ma demeure avec mon mari et mon enfant qui venait de naître et je me rendis, avec d’autres femmes de ma tribu, à la Mecque pour y chercher un nourrisson. C’était une année de sécheresse et il ne nous restait plus de vivres. Nous avions avec nous une ânesse grise et une chamelle qui ne donnait pas une goutte de lait. Nous ne pouvions dormir, parce que notre enfant criait toute la nuit de faim : j’avais aussi peu de lait que la chamelle. Espérant toutefois que tout irait mieux, nous continuâmes notre voyage. Arrivés à la Mecque, nous cherchâmes des nourrissons ; on avait déjà offert à chaque nourrice l’enfant qui devait être le prophète, mais aucune d’elles n’avait voulu le prendre, et toutes elles avaient dit : « C’est un orphelin, il n’y a donc pas beaucoup à gagner. » Il faut savoir que nous espérions que les pères nous payeraient bien, et que, par contre, nous n’attendions pas grand’chose de la mère d’un enfant qui n’avait plus de père. Toutes les femmes qui étaient avec nous avaient trouvé des nourrissons, excepté moi. « Je ne veux pas, dis-je à mon mari, retourner sans nourrisson auprès de mes amies ; je vais aller chercher cet orphelin. — Tu as raison, répondit mon mari ; peut-être Allah nous bénira-t-il, si tu y vas ». J’allai donc, bien que je ne l’eusse pas fait si j’avais pu trouver un autre enfant, et je revins avec l’orphelin à notre caravane. Je le pris à moi et lui donnai le sein. Il but jusqu’à ce qu’il eût assez et alors j’allaitai aussi mon propre enfant, qui put également se rassasier ; ensuite ils s’endormirent tous deux, et pour la première fois depuis longtemps nous eûmes une nuit tranquille. Mon mari alla ensuite près de notre chamelle et il trouva que ses pis étaient pleins de lait. Il se mit à la traire et nous eûmes tous assez à boire. Le lendemain matin, mon mari me dit : « Assurément, tu as trouvé un enfant béni. » Lors du retour, mon ânesse galopait avec tant de vivacité que mes amies ne purent garder la même allure que moi et qu’elles pensaient