Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/216

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neur par ces romans si répandus depuis le XIIIe siècle, dont l’Orlando de l’Arioste et plus tard le Don Quichotte sont de merveilleuses et cruelles parodies. Au lieu des récits épiques des vieilles chansons de geste, ces romans nous montrent toujours quelque beau chevalier partant, à travers des pays merveilleux, à la recherche des aventures, faisant des vœux extravagants, mettant son point d’honneur à tenir des serments futiles, allant de tournois en tournois, portant aux plus hardis des défis insolents, vainqueur des plus braves grâce à des talismans, arrêté par des enchantements, délivré par quelque belle princesse pour l’amour de laquelle il fait de nouveaux vœux, retourne à de nouvelles aventures et à de nouveaux combats.

Les tournois qui, pendant la première période, avaient été l’image de la guerre et une rude préparation au métier des armes, devinrent la principale occupation des chevaliers ; mais loin de préparer à la guerre, ces fêtes brillantes et fastueuses, qui en différaient de plus en plus, en écartèrent plutôt la noblesse dont elles devinrent l’occupation principale et qu’elles contribuèrent à ruiner. Le luxe inouï qu’on déploya dans ces fêtes, les prodigalités auxquelles elles conduisirent eurent même cette conséquence singulière d’introduire dans la guerre des idées de profit et de lucre : les chevaliers en vinrent à combattre pour faire des prisonniers et leur demander ensuite de grosses rançons. Telle était la chevalerie, aussi imprudente et malhabile que brillante, qui fut pendant la guerre de Cent ans la cause de tous les revers de la France. Le XIIe siècle avait marqué l’apogée de l’institution, les symptômes de décadence s’étaient manifestés au cours du XIIIe siècle, le XIVe et le XVe siècle marquent le terme de la décadence et de la décrépitude. Il y eut bien, au XVIe siècle, sous la personnification de Bayard, le chevalier sans peur et sans reproche, une tentative de renaissance chevaleresque, mais ce ne fut qu’une apparence : les destinées de la chevalerie étaient dès lors accomplies et les formes qui persistèrent quelque temps encore n’en furent plus que de vaines survivances.

A. GIRY, « Chevalerie », dans la Grande Encyclopédie (H. Lamirault, éditeur), t. X.