Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/236

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plupart dans un état de demi-mendicité, par une quantité incalculable d’associations religieuses qu’enrichissaient les dons ou les dépouilles de la chrétienté latine. Les familles nobles étaient nombreuses, puissantes, féroces ; elles s’entouraient de bandes de partisans sans aucune discipline, et ne cessaient de guerroyer entre elles autour de leurs châteaux dans la contrée avoisinante ou dans les rues mêmes de la cité. Si les choses avaient pu suivre leur cours naturel, une de ces familles, celle des Colonna par exemple, ou celle des Orsini, aurait probablement fini par dompter ses rivales et par établir, ainsi qu’on le vit dans les républiques de la Romagne et de la Toscane, une signoria ou tyrannie locale, analogue à celles qui s’implantèrent jadis dans les villes de la Grèce. Mais la présence du pouvoir sacerdotal fit obstacle à cette tendance et, par cela même, aggrava la confusion dans la cité. Bien que le pape ne fût pas encore reconnu comme souverain légitime, il était, non seulement le personnage de Rome le plus considérable, mais le seul dont l’autorité offrît l’apparence d’un certain caractère officiel. Toutefois le règne de chaque pontife était court ; il ne disposait d’aucune force militaire ; il était fréquemment absent de son siège. Il appartenait, en outre, très souvent à l’une de ces grandes familles, et, à ce titre, n’était rien de plus qu’un chef de faction dans l’intérieur de sa ville, tandis qu’on le vénérait dans toute l’Europe comme le pontife universel.

Celui qui aurait dû être pour Rome ce que leurs rois nationaux étaient pour les villes de France, d’Angleterre ou d’Allemagne, c’était l’empereur. Mais son pouvoir était une pure chimère, importante surtout en ce qu’elle servait de prétexte à l’opposition que les Colonna et les autres chefs gibelins faisaient au parti du pape. Ses droits, même en théorie, étaient matière à controverse. Les papes, dont les prédécesseurs s’étaient contentés de gouverner en qualité de lieutenants de Charlemagne ou d’Otton, soutenaient à présent que Rome, en tant que cité spirituelle, ne pouvait être soumise à aucune juridiction temporelle, et qu’elle ne pouvait, par conséquent, faire partie de l’empire romain, quoiqu’elle en fût cependant la capitale. Non seulement, arguait-on, Constantin avait cédé Rome à Sylvestre et à ses successeurs, mais le Saxon