que ce qu’il en reste. Et au-dessus de tout cela se dressaient ces deux monuments des Césars païens, ces monuments qui contemplent encore, du haut de leur immobile sérénité, le spectacle que leur donnent les armées des nations nouvelles et les fêtes d’une nouvelle religion, — les colonnes de Trajan et de Marc-Aurèle.
Du Monte Mario, l’armée teutonne, après avoir fait ses oraisons,
descendait dans le champ de Néron, espace formé par les terrains plats
qui aboutissent à la porte Saint-Ange. C’était là que les représentants
du peuple romain avaient l’habitude d’aller au-devant de l’empereur
nouvellement élu, de lui demander la confirmation de leurs chartes et de
recevoir le serment qu’il prêtait de maintenir leurs bonnes coutumes.
Une procession se formait alors : les prêtres et les moines, qui étaient
sortis pour saluer l’empereur en chantant des hymnes, prenaient les
devants ; les chevaliers et les soldats romains, quels qu’ils fussent,
venaient ensuite ; puis le monarque, suivi d’une longue troupe de
chevalerie transalpine. Pénétrant dans la cité, ils s’avançaient jusqu’à
Saint-Pierre, où le pape, entouré de son clergé, se tenait sur le grand
perron de la basilique pour souhaiter la bienvenue au roi des Romains et
lui donner sa bénédiction. Le lendemain, on procédait au couronnement,
avec des cérémonies très compliquées[1]. Leur accompagnement le plus
ordinaire, dont le livre du rituel ne fait pas mention, c’était le son
des cloches appelant aux armes et le cri de bataille des combattants
allemands et italiens. Le pape, quand il ne pouvait empêcher l’empereur
d’entrer à Rome, le priait de laisser le gros de son armée hors des
murs, et, s’il ne l’obtenait pas, il pourvoyait à sa sécurité en
excitant des complots et des séditions contre son trop puissant ami. Le
peuple romain, d’un autre côté, tout violent qu’il se montrât souvent à
l’égard du pape, plaçait pourtant en lui une sorte
- ↑ On attachait une grande importance à cette partie de la cérémonie où l’empereur tenait l’étrier au pape pour monter en selle et conduisait son palefroi pendant quelques instants. L’omission de cette marque de respect par Frédéric Barberousse, lorsque Hadrien IV vint à sa rencontre, à son approche de Rome, faillit amener une rupture entre les deux potentats, Hadrien se refusant absolument à donner le baiser de paix avant que l’empereur se fût soumis à la formalité obligée, ce que celui-ci se vit contraint de faire à la fin, d’une façon quelque peu ignominieuse.