Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/240

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d’orgueil national. Bien différents étaient ses sentiments pour le capitaine teuton qui venait d’un pays lointain recevoir dans sa cité, sans lui en savoir gré cependant, les insignes d’un pouvoir que la bravoure de leurs ancêtres avait fondé. Dépouillé de son ancien droit d’élire l’évêque universel, il tâcha d’autant plus désespérément de se persuader que c’était lui qui choisissait le prince universel ; et sa mortification était toujours plus cuisante chaque fois qu’un nouveau souverain repoussait avec mépris ses prétentions et faisait parader sous ses yeux sa rude cavalerie barbare. C’est pour cela qu’une sédition était à Rome la conséquence presque forcée d’un couronnement. Il y eut trois révoltes contre Otton le Grand. Otton III, en dépit de son affection passionnée pour la cité, y fut en butte à la même mauvaise foi et à la même haine, et la quitta enfin de désespoir après avoir fait d’inutiles tentatives de conciliation[1]. Un siècle plus tard, le couronnement de Henri V fut l’occasion de tumultes violents, car il se saisit du pape et des cardinaux à Saint-Pierre et les tint prisonniers jusqu’à ce qu’ils se fussent soumis à ses exigences. Hadrien IV, qui s’en souvenait, aurait volontiers forcé les troupes de Frédéric Barberousse à demeurer hors des murs ; mais la rapidité de leurs mouvements déconcerta ses plans et prévint les résistances de la populace romaine. S’étant établi dans la cité Léonine[2], Frédéric barricada le pont qui traverse le Tibre et fut couronné en bonne forme à Saint-Pierre. Mais la cérémonie s’achevait à peine, lorsque les Romains, qui s’étaient rassemblés en armes au Capitole, forcèrent le pont, tombèrent sur les Allemands et ne furent repoussés qu’avec peine, grâce aux efforts personnels de Frédéric. Il ne s’aventura pas à les poursuivre

  1. Un remarquable discours de remontrances adressé par Otton III au peuple romain (après une de ses révoltes), de la tour de sa maison sur l’Aventin, nous a été conservé. Il commence ainsi : « Vosne estis mei Romani ? Propter vos quidem meam patriam, propinquos quoque reliqui ; amore vestro Saxones et cunctos Theotiscos, sanguinem meum, projeci ; vos in remotas partes imperii nostri adduxi, quo patres vestri cum orbem ditione promerent nunquam pedem posuerunt ; scilicet ut nomen vestrum et gloriam ad fines usque dilatarem ; vos filios adoptavi ; vos cunctis prætuli. »
  2. La cité Léonine, ainsi appelée du pape Léon IV, s’étend entre le Vatican et Saint-Pierre, et le fleuve.