Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/249

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blées générales de l’Église. A la place de ces synodes que, presque chaque année, Grégoire VII réunissait à Rome, et dans lesquels on sentait vivre, en quelque sorte, l’Église universelle, on ne trouve que le conseil particulier du pape, le conseil des cardinaux. Ce qui reste des conciles n’est plus qu’un simulacre. Déjà, sous Alexandre III, on ne voyait dans les conciles qu’un moyen d’entourer de plus de solennité les décisions notifiées par le pape. Le troisième synode de Latran, en 1179, est appelé dans des écrits contemporains « le concile du souverain pontife ». Au quatrième et fameux synode de Latran, qui eut lieu sous Innocent III en 1215, et auquel assistèrent 453 évêques, le rôle de ceux-ci consista uniquement à entendre et approuver les décrets rédigés par le Saint-Siège. A partir de ce moment, la dénomination d’évêque universel, revendiquée à plusieurs reprises par les papes et insérée par Grégoire VII dans ses Dictatus, devient une réalité. Innocent III est dès lors l’évêque unique de la chrétienté.

Après avoir constaté le pouvoir absolu de la papauté, il faudrait rechercher maintenant les effets de ce pouvoir sur l’ensemble de l’Église. Il faudrait montrer les évêques se désintéressant de leurs devoirs pastoraux en proportion du peu d’étendue laissé à leur action, les dissensions naissant du droit d’appel au sein des églises comme dans les monastères, une sorte de désorganisation se substituant peu à peu à l’unité par les régimes d’exception qu’à des degrés divers créaient les privilèges, le clergé transformé, pour ainsi dire, en un monde de plaideurs, les églises appauvries par les frais énormes des procès[1], les évêques chargés de dettes, la justice à Rome achetée trop souvent à prix d’argent ; en un mot, l’Église déviant de sa voie, se désagrégeant par les dissensions intestines, rompue dans son unité et s’altérant déjà par la corruption. Il faudrait montrer enfin cette Église romaine, dans laquelle s’étaient absorbées les églises locales, se viciant à son tour et devenant « un champ de bataille pour les plaideurs », une

  1. « Romano plumbo nudantur ecclesiæ », dit Étienne de Tournay. Innocent III fait souvent allusion aux dépenses que, par les voyages fréquents et les longs séjours à Rome, les procès nécessitaient.