Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/264

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se sentit d’autant plus libre du côté de l’Église de Rome, que la philosophie patronnée par son prince affranchissait plus résolument la raison humaine de l’obsession du surnaturel. Et comme le fond de toute métaphysique recèle une doctrine morale, les partisans de l’empereur, ceux qui aimaient la puissance temporelle, la richesse et les félicités terrestres, tout en s’inquiétant assez peu de l’éternité du monde et de l’intellect unique, accueillirent avec empressement une sagesse qui les rassurait sur le lendemain de la mort, rendait plus douce la vie présente, déconcertait le prêtre et l’inquisiteur, éteignait les foudres du pape. Les Épicuriens de Florence, en qui le XIIe siècle avait vu les pires ennemis de la paix sociale, puisqu’ils attiraient sur la cité les colères du ciel, furent, à deux reprises, vers la fin du règne de Frédéric et sous Manfred, les maîtres de leur république. Les Uberti tinrent alors la tête du parti impérial dans l’Italie supérieure : ils dominèrent avec dureté et grandeur d’âme, et à côté d’eux, « plus de cent mille nobles, dit Benvenuto d’Imola, hommes de haute condition, qui pensaient, comme leur capitaine Farinata et comme Épicure, que le paradis ne doit être cherché qu’en ce monde ». Jusqu’à la fin du XIIIe siècle, à travers toutes les vicissitudes de leur fortune politique, ces indomptables gibelins portèrent très haut leur incrédulité religieuse, peut-être même un matérialisme radical. « Quand les bonnes gens, dit Boccace, voyaient passer Guido Cavalcanti tout rêveur dans les rues de Florence, il cherche, disaient-ils, des raisons pour prouver qu’il n’y a pas de Dieu. » On avait dit la même chose de Manfred, qui ne croyait, écrit Villani, « ni en Dieu, ni aux saints, mais seulement aux plaisirs de la chair ». On attribua au cardinal toscan Ubaldini, qui soutint vaillamment à Rome le parti