Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/263

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larisé l’État, en soumettant toutes les forces de la société, l’Église comme les autres, à la volonté d’un seul maître, il sécularise la science, la philosophie, la foi, en leur donnant pour maîtresse unique et souveraine la raison.

Frédéric II se préoccupait sincèrement des hauts problèmes philosophiques, non point comme un chrétien qui demande à la sagesse profane la confirmation de sa foi, mais comme un esprit libre qui aspire à la vérité, quelque affligeante qu’elle puisse être pour les croyances communes de son siècle. Il dirigeait à sa cour une véritable académie philosophique. Un disciple des écoles d’Oxford, de Paris et de Tolède, Michel Scot, chrétien régulier, que protégea Grégoire IX, lui avait apporté en 1227, traduits en latin, les principaux commentaires aristotéliques d’Averroès et, entre autres, celui du Traité de l’Ame. En 1229, l’empereur, tout en négociant avec le Soudan, chargeait les ambassadeurs musulmans de questions savantes pour les docteurs d’Arabie, d’Égypte et de Syrie. Plus tard il interrogeait encore sur les mêmes points de métaphysique le Juif espagnol Juda ben Salomo Cahen, l’auteur d’une encyclopédie, l’Inquisitio sapientiæ ; il renouvelait enfin, vers 1240, cette enquête rationnelle, dans le monde entier de l’islam, puis près d’Ibn Sabin de Murcie, le plus célèbre dialecticien de l’Espagne. Celui-ci répondit « pour l’amour de Dieu et le triomphe de l’islamisme », et le texte arabe de ses réponses est conservé, sous le titre de Questions siciliennes, avec les demandes de l’empereur, dans un manuscrit d’Oxford. « Aristote, interrogeait Frédéric, a-t-il démontré l’éternité du monde ? S’il ne l’a pas fait, que valent ses arguments ? Quel est le but de la science théologique, et quels sont les principes préliminaires de cette science, si toutefois elle a des principes préliminaires, entendons, si elle relève de la pure raison ? Quelle est la nature de l’âme ? Est-elle immortelle ? Quel est l’indice de son immortalité ? Que signifient ces mots de Mahomet : « Le cœur du croyant est entre les doigts du miséricordieux ? »

[Illustration : Monnaie de Frédéric II.]

Ces idées hardies, vers lesquelles jusqu’alors le moyen âge ne s’était tourné que pour les exorciser, ont traversé la civilisation de l’Italie impériale, tout en suivant, comme en un lit parallèle, la direction même de la politique de l’empereur. Le parti gibelin