Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/270

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de lui avait contribué au même but, pour faire de lui seul l’agent essentiel de l’entreprise.

Pierre, en revenant de terre sainte, eut-il une entrevue avec Urbain II, soit à Rome, soit en France ? fut-il le précurseur du pape, qu’il aurait décidé à organiser l’expédition d’outre-mer ? Cela est fort douteux ; les écrivains contemporains du XIe siècle laissent tous entendre qu’en France ce n’est pas Pierre l’Hermite, mais Urbain seul, qui a donné l’impulsion au mouvement de la croisade. Le moment où Pierre a paru en public pour la première fois ne saurait être placé avant le concile de Clermont. « Il faut, dit Sybel, laisser au pape la gloire dont jusqu’à nos jours l’hermite d’Amiens lui a disputé une bonne moitié. Urbain vint à Clermont à un moment où une tendance inconsciente poussait le monde vers l’Orient, mais où aucune parole n’avait encore été prononcée dans ce sens. Cette parole, il la fit entendre, et alors princes et chevaliers, nobles et vilains, et, parmi les vilains, Pierre, se levèrent. Rendons au pape ce qui lui appartient. »

Que Pierre ait assisté, comme le veut la tradition vulgaire, au concile de Clermont et qu’il y ait prononcé une harangue, ce sont encore là des faits qui ne sont ni certains ni même probables. Car c’est pendant l’hiver de 1095-96 que Pierre prêcha pour la première fois la croisade. Mais, suivant Orderic Vital, l’Hermite, suivi de quinze mille hommes à pied et à cheval, arriva à Cologne le samedi de Pâques, 12 avril 1096. « C’était, dit Guibert de Nogent, l’écume de la France, fæx residua Francorum. » Comment avait-il pu réunir en si peu de temps pareille troupe autour de lui ? La famine de 1095, qui arracha tant de misérables au sol natal, ne suffit pas à l’expliquer ; il faut encore faire la part du prestige personnel de l’Hermite.

D’après les témoins oculaires, Pierre était un homme intelligent, énergique, décidé, rude, enthousiaste, un tribun populaire. De petite taille, maigre, brun de visage, avec une longue barbe grise, il était vêtu d’une robe de laine et d’un froc de moine, sans chausses ni chaussures. Il allait monté sur un âne dont la foule idolâtre arrachait les poils pour s’en faire des reliques. Il menait une vie austère, ne mangeait ni pain ni viande, mais