Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/276

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ries et les camées qui en faisaient l’ornement, et l’on en jetait au loin les reliques. Un nombre infini de ces reliures de métal si somptueuses qui recouvraient les livres de chœur eurent un sort pareil ; les images des saints furent foulées aux pieds ou lancées à la mer. Au bout de quelques jours, les Latins paraissent avoir eu honte de ces scandales et même redouté la colère divine. Le conseil des chefs se réunit, et l’on prit des mesures sévères pour arrêter tous ces excès. Les évêques de l’armée fulminèrent l’excommunication contre tous ceux qui se rendraient coupables de nouveaux sacrilèges, et aussi contre ceux qui ne viendraient pas mettre, en des lieux désignés à cet effet, le butin déjà recueilli. Quelques jours plus tard, d’ailleurs, l’élection et le couronnement de Baudouin Ier (16 mai) vinrent substituer un pouvoir régulier à l’anarchie ; les différents corps de l’armée furent cantonnés dans les divers quartiers de la ville, et un ordre au moins apparent vint succéder aux scènes de violence des premiers jours. Mais là commence, surtout en ce qui concerne les trésors des églises et des reliques, la seconde période du pillage, celle de la spoliation régulière et méthodique ; cette période paraît avoir duré plusieurs mois, plusieurs années, je dirai même presque autant que l’empire latin d’Orient.

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Il n’est pas impossible d’entrer dans quelques détails sur la nature des objets sacrés plus particulièrement recherchés par les Latins ; il semble que ces objets peuvent se diviser en deux classes : les reliques et les ornements ecclésiastiques ; mais, pour les uns comme pour les autres, les croisés ne paraissent point avoir agi à l’aventure.

Parmi les reliques, ce sont les fragments du bois de la Vraie Croix, depuis longtemps objet d’une vénération spéciale en France, qui semblent avoir excité le plus vivement leur convoitise. Constantinople avait sur ce point de quoi les satisfaire ; sans parler des reliques insignes, des τἱμια Ξὑλα, grand était le nombre de ces phylactères, de ces encolpia, destinés à être portés au cou,