Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/275

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les plus vénérables des objets consacrés par les souvenirs du christianisme. Heureusement, sur tous ces faits, il faut se garder de prendre à la lettre tant le récit de Nicétas, déplorant la destruction de monuments qui existent encore aujourd’hui, que les assertions de Nicolas d’Otrante, se plaignant de la disparition des reliquaires de la Passion qui, en réalité, ne quittèrent le palais du Bucoléon que pour passer, trente ans plus tard, dans le trésor de la Sainte-Chapelle. Mais, tout en faisant la part des exagérations des vaincus, il est impossible de nier qu’à la suite du dernier assaut donné à Byzance par les Latins, et malgré l’accueil si humble qu’ils reçurent des Grecs, et surtout du clergé, des scènes horribles de meurtre et de pillage se succédèrent dans la malheureuse ville. Seulement, il faut distinguer deux périodes différentes dans l’histoire de ces faits regrettables : la première, courte et violente, dura du 14 au 16 avril 1204 ; c’est pendant ces trois jours qu’eurent lieu les profanations dont les Grecs se plaignirent si justement au pape dans un curieux mémoire qui nous a été conservé, et dont trois lettres d’Innocent III sont l’écho indigné. C’est à peine si la garde mise par les chefs de l’armée dans les palais impériaux put préserver les chapelles de ces palais de la rapacité des soldats ; aucun sanctuaire ne paraît avoir été épargné, et Sainte-Sophie dut à ses trésors merveilleux et à l’immense renom dont ils jouissaient de se voir le théâtre d’excès plus odieux que partout ailleurs. Aux profanations des églises vinrent s’ajouter celles des tombes impériales, dont Nicétas ne craint pas d’accuser Thomas Morosini, patriarche latin élu, mais qui durent être stériles, Alexis III s’étant chargé, sept ans plus tôt, de les dépouiller de tous les joyaux qu’elles contenaient.

Dans les premiers moments, la rage des conquérants paraît avoir été extrême. « Quant li Latin, dit Ernoul, orent prise Constantinoble, il avoient l’escu Damedieu enbracé, et, tantost come il furent dedens, il le geterent jus, et enbracerent l’escu au diable ; il corurent sus a sainte Iglise premierement, et briserent les abbaïes et les roberent. » Les châsses des saints, dont beaucoup étaient en cuivre émaillé, et par conséquent sans valeur pour les pillards, furent brisées. On arrachait les pierre-