nom, Vogelsang, c’est-à-dire le chant des oiseaux. « Peu nombreux en face d’une multitude infinie d’ennemis, ils chantaient le cantique de la tristesse, car ils avaient abandonné la douce terre de la patrie, terre fertile et pacifique, et ils allaient entrer dans une terre d’horreur, dans une vaste solitude emplie seulement par la terrible guerre. »
Au temps de la plus grande puissance de l’Ordre, c’est-à-dire vers
l’année 1400, il y avait en Prusse un millier de chevaliers. Le nombre
en était incomparablement moins considérable au XIIIe siècle, surtout
au début de la conquête, quand l’Ordre, faible encore, avait ses membres
disséminés en Allemagne, en Italie et en terre sainte. La Chronique de l’Ordre ne raconte que de petits combats, où les Teutoniques, peu
nombreux, délaissés par leurs frères des commanderies d’Allemagne et peu
sûrs des colons, s’enferment dans des forteresses dont les faibles
garnisons maintiennent difficilement leurs communications par la
Vistule. Dix ans après que la guerre a commencé, plusieurs villes étant
déjà fondées, les chevaliers de Culm envoient trois fois à Reden pour
demander à un chevalier de les venir assister. Ils députent ensuite
vers le grand maître en Allemagne, puis en Bohême et en Autriche,
mandant que tout est perdu si on ne les secourt : dix chevaliers arrivent
avec trente chevaux, et c’est assez pour qu’il y ait une grande joie à
Culm. Quant aux troupes de croisés que les bulles pontificales
expédiaient fréquemment en Prusse, elles n’ont jamais été nombreuses, et
l’imagination des vieux chroniqueurs s’est laissée aller à des
exagérations grotesques. Lorsque Dusbourg raconte que le roi de Bohême
Ottokar a pénétré jusqu’au fond du Samland avec une armée de 60 000
hommes, qui n’auraient certainement pu se mouvoir ni se nourrir dans ce
pays, il est probable qu’il ajoute deux zéros. Ainsi, c’est un petit
nombre de chevaliers, assistés par de petites troupes de croisés et par
les contingents militaires des colons, qui ont entrepris la conquête de
la Prusse, dont la population n’a guère dû dépasser 200 000 âmes. La
supériorité de l’armement, qui faisait de chaque Teutonique comme une
forteresse ambulante, la meilleure tactique, l’art de la fortification,
les divisions des Prussiens, leur incurie et cette incapacité des tribus
barbares à prévoir