Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/307

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’avenir et à y pourvoir, expliquent le succès définitif, comme le petit nombre des forces engagées fait comprendre la longueur de la lutte.

La conquête était comme un flot, qui avançait et reculait sans cesse. Une armée de croisés arrivait-elle : l’Ordre déployait sa bannière. On se mettait en route prudemment, précédé par des éclaireurs spécialement dressés à cette besogne. Presque toujours on surprenait l’ennemi. On occupait certains points bien choisis, sur des collines d’où l’on découvrait au loin la campagne. On creusait des fossés, on plantait des palissades et l’on bâtissait la forteresse. Au pied s’élevait un village, fortifié aussi et dont chaque maison était mise en état de défense : là on établissait des colons, venus avec les croisés ; c’étaient des ouvriers ou des laboureurs qui avaient quitté leur pays natal pour aller chercher fortune en terre nouvelle, accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants, tous portant la croix comme les chevaliers. Il fallait faire vite, car chaque croisade durait un an à peine. Les croisés partis, la forteresse était exposée aux représailles de l’ennemi ; souvent elle était enlevée, brûlée, et le village détruit ; puis les Prussiens envahissaient le territoire auparavant conquis, et les chevaliers, enfermés dans les châteaux, attendaient avec anxiété le messager qui annonçait l’arrivée d’un secours. Il fallait s’accoutumer à ce flux et à ce reflux perpétuels. Sur les hauteurs et dans les îles des lacs, on avait préparé des maisons de refuge, où les colons, l’alarme donnée, cherchaient un asile, et ces retraites précipitées étaient si habituelles que des cabaretiers demandaient et obtenaient pour eux et leurs descendants le privilège de vendre à boire dans les lieux de refuge.

Les chevaliers firent leur premier et plus solide établissement dans l’angle formé par la Vistule, entre les embouchures de la Drevenz et de l’Ossa, où Thorn et Culm furent bâtis dès l’année 1232. Aujourd’hui encore, les souvenirs et les monuments de la conquête se pressent dans le Culmerland. Le Culmerland soumis, la conquête suivit la Vistule, dont tout le cours fut bientôt commandé par les forteresses de Thorn, Culm, Marienwerder et Elbing. Dès lors les Teutoniques furent en communication par la Baltique avec la mère patrie allemande; mais,