Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/308

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sur le continent, ils étaient séparés de l’Allemagne par le duché slave de Poméranie, voisin peu sûr, qui voyait avec inquiétude, et il avait raison, des conquérants allemands s’établir en pays slave. La guerre que le duc poméranien Swantepolk fit à l’Ordre en 1241 fut le signal d’une première révolte des Prussiens, qui dura onze années et qui fut terrible. Les chevaliers l’emportèrent, et le bruit de ces luttes et de ces victoires attira de nouveaux croisés, parmi lesquels parut, en 1254, le roi de Bohême, Ottokar. Pour la première fois, des chrétiens pénètrent alors dans le bois sacré de Romowe ; Kœnigsberg est bâti, et son écusson, où figure un chevalier dont le casque est couronné, a gardé, comme son nom, le souvenir du roi de Bohême. Ottokar conta qu’il avait baptisé tout un peuple et porté jusqu’à la Baltique les limites de son empire ; mais c’était une vanterie, comme les aimaient les Slaves du moyen âge, qui faisaient moins de besogne que de bruit. Les chevaliers, au contraire, usant pour le mieux des ressources qui leur arrivaient, reprenaient et poursuivaient sérieusement la conquête. La première révolte à peine apaisée, ils envoyèrent des colons fonder Memel, au delà du Haff courlandais. Dès l’année 1237, l’ordre des Porte-Glaive, conquérant de la Livonie, s’était fondu dans celui des Teutoniques, qui aspiraient à dominer toute la Baltique orientale et tenaient déjà cent milles de la côte.

Cette lutte fut l’âge héroïque de l’Ordre. Pendant ces années terribles, les chevaliers sont soutenus par la foi. Dans les châteaux assiégés, où ils tiennent contre toute espérance, mangeant chevaux et harnais, ils adressent d’ardentes prières à la mère de Dieu. Avant de se jeter sur l’ennemi, ils couvrent leurs épaules des cicatrices que fait la discipline. C’était une dure race. Un chevalier usa sur sa peau ensanglantée plusieurs cottes de mailles, et beaucoup dormaient ceints de grosses ceintures de fer….

Colons et chevaliers ont à la fin du XIIIe siècle terre gagnée. Leurs châteaux et leurs villes sont assis solidement sur le sol de la Prusse, et ce qui reste des vaincus ne remuera plus. Les conquérants avaient usé d’abord de ménagements, laissant aux paysans leur liberté et aux nobles leur rang, après qu’ils avaient