Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/338

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tion des heures de travail. La justice ne manquait pas de frapper les coalitions, quand elles étaient portées à sa connaissance et qu’elle avait entre les mains des preuves suffisantes, mais il était bien facile à des fabricants peu nombreux de s’entendre secrètement pour fixer le prix de leur travail. Ainsi une coalition formée par les tisserands de Doullens dura pendant six ans sans donner lieu à des poursuites, et lorsque l’échevinage en fut informé ou en eut recueilli les preuves, il ne sut comment traiter les coupables et demanda à l’échevinage d’Amiens ce qu’il ferait en pareil cas.

Il semble que le monopole devait enrichir tous les maîtres et que l’industrie ne conduisait jamais à la ruine et à la misère. Assurément la plupart des fabricants faisaient de bonnes affaires, mais il y en avait aussi qui vivaient dans la gêne, qui étaient pauvres en quittant les affaires, qui tombaient en déconfiture. Les corporations avaient des caisses de secours pour assister ceux de leurs membres qui n’avaient pas réussi. Nous savons que des patrons cédaient leurs apprentis parce qu’ils n’étaient plus en état de les entretenir. Il y avait parmi les fourbisseurs et les armuriers des gens pauvres, habitant les faubourgs, qui, ayant peu de chances de vendre dans leurs boutiques, avaient la permission de colporter leurs armures. Des chaussetiers établis avaient dû renoncer à travailler pour leur compte et rentrer dans la classe des simples ouvriers. Le prévôt de Paris abaissait quelquefois l’amende encourue pour contravention aux statuts, à cause de la pauvreté du contrevenant. Une linière se voit retirer son apprentie parce qu’elle était souvent sans ouvrage, n’avait pas d’atelier et ne travaillait que chez les autres. La fortune ne souriait donc pas à tous, et la situation des fabricants était plus variée que ne le ferait supposer un régime économique qui, restreignant leur nombre, imposait à tous les mêmes conditions d’établissement, les mêmes procédés et les mêmes heures de travail, leur ménageait autant que possible les mêmes chances d’approvisionnement et aurait dû, par conséquent, leur assurer le même débit. C’est que mille inégalités naturelles empêchaient l’uniformité à laquelle tendaient les règlements.

Pour caractériser, en terminant, le rôle économique du chef