Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/343

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gain s’explique peut-être par la disproportion fâcheuse qui commençait à exister entre les revenus domaniaux et le chiffre toujours croissant des dépenses d’ordre administratif et politique. On sait que Louis fut obligé de laisser en gage pendant dix ans un des plus précieux joyaux de la couronne, vendu plus tard à l’abbaye de Saint-Denis. Quoi qu’il en soit, la vénalité de la curie était un fait notoire, et Guibert de Nogent, tout en prodiguant l’éloge à Louis le Gros, n’hésitait point à le condamner sur cet article. « Excellent à tous autres points de vue, dit-il, ce prince avait le tort grave d’accorder sa confiance à des gens de basse condition et d’une cupidité sordide, ce qui nuisit beaucoup à ses intérêts comme à sa réputation et causa la perte de maintes personnes. » Le chroniqueur Geoffroi de Courlon se faisait encore, à la fin du XIIIe siècle, l’écho de ces bruits défavorables : « La même année, dit-il, mourut le roi Louis VI, connu pour sa cupidité ; il fit une tour à Paris et amassa de grands trésors. »

Il faut reconnaître néanmoins que, dans les jugements portés sur Louis par les contemporains, la somme du bien l’emporte sensiblement sur celle du mal. Ils sont unanimes à vanter sa douceur, son humanité, son affabilité pour tous et une sorte de candeur ou de bonhomie naturelle qu’ils appellent sa « simplicité ». Telle est l’expression dont se servent, comme par l’effet d’une entente préalable, ceux qui l’ont connu de plus près, Suger, Ives de Chartres et le chroniqueur de Morigni. Suger a même dit quelque part qu’il était « débonnaire au delà de toute imagination ». Aussi ce gros homme sans malice se laissa-t-il jouer quelquefois par des ennemis retors, comme Hugue du Puiset, à qui les perfidies et les parjures ne coûtaient rien.

D’ordinaire la bonté va de pair avec la droiture. L’histoire a bien rarement signalé chez Louis cette tendance, fort commune au moyen âge, qui consiste à employer la ruse et la perfidie là où la force ouverte n’a plus chance de réussir. Sa « simplicité » naturelle le portait plutôt à frapper en face et à dédaigner les petits moyens. Il y avait en lui une loyauté instinctive qui fut particulièrement mise en lumière dans sa longue et pénible lutte avec la féodalité de l’Ile-de-France. On doit remarquer, en