Page:Langlois - Histoire du moyen âge, 1901.djvu/370

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« Aussitôt après, dit Guillaume le Breton, le roi ordonne d’amener de larges navires, tels que nous en voyons voguer sur le cours de la Seine, et qui transportent ordinairement les quadrupèdes et les chariots le long du fleuve. Le roi les fit enfoncer dans le milieu du fleuve, en les couchant sur le flanc, et les posant immédiatement l’un à la suite de l’autre, un peu au-dessous des remparts du château ; et afin que le courant rapide des eaux ne pût les entraîner, on les arrêta à l’aide de pieux enfonces en terre et unis par des cordes et des crochets. Les pieux ainsi dresses, le roi fit établir un pont sur des poutres soigneusement travaillées, » afin de pouvoir passer sur la rive droite… ; « puis il fit élever sur quatre navires deux tours, construites avec des troncs d’arbres et de fortes pièces de chêne vert, liés ensemble par du fer et des chaînes bien tendues, pour en faire en même temps un point de défense pour le pont et un moyen d’attaque contre le châtelet. Puis les travaux, dirigés avec habileté sur ces navires, élevèrent les deux tours à une si grande hauteur que de leur sommet les chevaliers pouvaient faire plonger leurs traits sur les murailles ennemies » (celles du châtelet situé au milieu de l’île).

Cependant Jean sans Terre tenta de secourir la place : il envoya un corps d’armée composé de trois cents chevaliers et trois mille hommes à cheval, soutenus par quatre mille piétons et la bande du fameux Lupicar[1]. Cette troupe se jeta la nuit sur les circonvallations de Philippe Auguste, mit en déroute les ribauds, et eût certainement jeté dans le fleuve le camp des Français s’ils n’eussent été protégés par le retranchement, et si quelques chevaliers, faisant allumer partout de grands feux, n’eussent rallié un corps d’élite qui, reprenant l’offensive, rejeta l’ennemi en dehors des lignes. Une flottille normande qui devait opérer simultanément contre les Français arriva trop tard ; elle ne put détruire les deux grands beffrois de bois élevés au milieu de la Seine, et fut obligée de se retirer avec de grandes pertes.

« Un certain Galbert, très habile nageur, continue Guillaume

  1. [Le nom de ce chef de routiers, que Guillaume le Breton appelle en latin Lupicarus, était, en langue du Midi, Lou Pescaire.]